On peut être producteur de contenus interactifs et s’imaginer dès le départ comme exploitant de lieux de divertissement. Cette évolution paraît naturelle quand on parle d’escape game et de spectacles, pour maîtriser à la fois la création et la distribution des expériences proposées. Décryptage avec David Harari, co-fondateur et Chief Development Officer de cette structure implantée en province et à Paris.
Dama Dreams, une histoire (très) ancienne
David Harari – L’histoire de la société est assez ancienne, puisqu’avec Emmanuel Teboul nous nous sommes rencontrés à l’école maternelle ! On a grandi ensemble autour des univers du jeu vidéo, et c’est resté notre passion jusqu’à aujourd’hui, en souhaitant désormais faire jouer le public. Emmanuel est plutôt côté production, moi sur le volet créatif et artistique. A la sortie de nos études, forts de nos découvertes à l’étranger sur des dispositifs de théâtre immersif ou de jeux interactifs, on a rapidement décidé de proposer des expériences similaires en France. On avait alors déjà testé +100 escape games différents dans le monde !
D. H. – On est arrivé alors que la mode de l’escape game avait déjà percé, et il semblait illusoire de débuter par Paris. A l’inverse on avait de bons contacts en Normandie, et spécialement à Deauville. Cela faisait sens d’y proposer de nouveaux formats de divertissement avec un premier lieu atypique : un ancien garage à motos à Trouville-Sur-Mer de 150 mètres carrés qu’on a loué. Nous y avons installé 3 propositions dès 2018, liées à la zone géographique, avec des narrations liées à l’univers marin, au débarquement, et même un casino clandestin.
D. H. – Et dans la foulée, nous avons ouvert un lieu plus ambitieux à Deauville, en offrant différentes activités qui dépassent les escape games. Notre ambition est de pouvoir proposer des salles avec une vraie convivialité, un accueil, et une multiplicité d’expériences pour éviter l’ennui ! Le premier lieu à Deauville aura été une ancienne maison normande avec 5 salles (dont une de réalité virtuelle), mais aussi une chasse au trésor en AR dans les rues de la ville. Cela a fait de nous le premier opérateur d’escape games dans la région.
D. H. – Entre 2018 et le Covid, on a récupéré un lieu de 6 hectares à Deauville qu’on a appelé DAMA. Nous l’avons réhabilité avec des propositions de mini-golf électronique, des propositions proches de Fort Boyard, des fléchettes en réalité augmentée… Et un volet sportif avec du foot à 5, un laser game… C’est un centre multi activité qui nous sert à tester beaucoup de choses, avec l’idée d’en implanter d’autres sur le territoire. Dama Dreams, c’est un studio d’expériences immersives qui crée et opère les jeux. Dans le cadre de nos relations avec les marques ou nos clients, c’est important de conserver cette maîtrise.
Créateur d’expériences et exploitant de salles
D. H. – Aujourd’hui nous sommes aussi à la Baule avec 4 salles. Notre expertise est quelque part liée aux stations balnéaires, qui sont des territoires particulièrement attractifs. En parallèle, il nous fallait une proposition originale pour arriver sur Paris. Et en 2019, nous avons ouvert l’escape game du Bureau des Légendes. A l’époque, il a fallu se caler sur l’arrivée de la saison 5, avec d’entrée un enjeu narratif fort.
D. H. – La compétence forte de Dama Dreams est de proposer des expériences originales. Nous avons 4 personnes totalement dédiées à l’écriture et au développement des jeux, qu’il s’agisse de créations originales ou adaptations pour les licences. On travaille notamment sur la localisation des thèmes, en prenant en compte nos assises géographiques. Par exemple sur l’escape game autour du Débarquement, c’était assez intéressant de pouvoir imaginer quelque chose sur cette tranche d’histoire – tout en restant sur une expérience tous publics. On applique cela à d’autres salles selon les spécificités territoriales. Le lieu reste un élément essentiel de nos productions, et la conception se fait en partie selon les critères physiques et logistiques inhérents à notre exploitation. On ne se lance pas dans le vide…
D. H. – Exploiter les lieux, ça a été une évidence. La question ne s’est pas posée, tant on souhaitait conserver le contrôle sur l’intégralité de la vie de nos jeux. Un bon jeu peut être mal utilisé, et c’était notre crainte. Évidemment c’est une vraie organisation, avec une équipe de 50 personnes en France – à Paris, sur les sites, en marketing… Nos contenus ne circulent pas en dehors de nos salles pour cette même raison et l’exclusivité aide aussi à attirer une partie du public. Financièrement, ça ne nous semble pas non plus pertinent. Il faut noter qu’aujourd’hui Dama Dreams développe ses expériences et lieux à fonds propres, et chaque nouveau projet est une prise de risque.
Développer l’escape game autour de marques fortes
D. H. –LE BUREAU DES LÉGENDES, c’était le pari d’exploiter une licence – et sans doute une première en France. Cela a l’avantage de nous offrir un cadre créatif fascinant, et dans lequel on peut plonger. Sans parler de l’engouement du public… Mais sur ce premier exemple, on a pu compter sur le soutien total de l’équipe de la série – notamment Mathieu Kassovitz et Mathieu Amalric. Nous avions l’ambition de proposer un vrai divertissement, dans un lieu 10x plus grand qu’à l’habitude (aux environs de 200 mètres carrés) avec les décors de la série par moment. Il y a là une authenticité liée à la série qui a beaucoup séduit.
D. H. – A l’inverse ce n’est pas du théâtre immersif. La place du comédien dans le dispositif dépend largement du spectateur, de ses actions. Pour LE BUREAU DES LÉGENDES, on en est à plus de 50 000 spectateurs. Une vraie chance avec une crise Covid au milieu, car la taille du lieu nous a permis de rouvrir très vite en respectant les consignes sanitaires. Dans tout cela, je compte bien entendu un public d’entreprises et de groupes professionnels (team building) qui a soutenu l’exploitation sur la durée.
Garder l’innovation et la création à vif
D. H. – Pour chaque lieu, nous avons des remontées régulières d’informations, des retours publics. On en profite pour organiser des points créatifs, et rester vigilant sur l’adaptation de nos spectacles au public. On prend note des retours, et on fait évoluer le scénario. Sur LE BUREAU DES LÉGENDES, on ajoute ainsi des éléments à l’histoire existante avec un agent double qui vient complexifier l’intrigue. Un spectateur peut revenir 2 ou 3 fois sans souci !
D. H. – Nous avons la chance d’avoir une relation de confiance avec Canal+ et les ayant droits. On apprend aussi à affiner nos processus de création, au regard des discussions avec nos clients (Warner, Naruto, …). Il faut prendre en compte chaque sensibilité, et chaque univers, pour bien respecter les fans. On intègre les clients très rapidement dans la mise en place de nos dispositifs. J’espère qu’on pourra imaginer d’autres choses avec des licences françaises. Même chez nous des univers seraient fascinants à explorer.
D. H. – Chaque expérience est unique. Par exemple, LE BUREAU DES LÉGENDES n’est pas un escape game familial. Pour le coup, on savait que ce serait une grande surface – et une jauge réduite – pour un public relativement âgé (CSP+), mais très intéressé par le concept. On travaille avec ces critères, et ça fonctionne si on a une durée d’exploitation suffisante !
Le divertissement très grand public
D. H. – Ce que nous faisons est, à mon sens, une multitude de propositions qui attire le très grand public. Qu’il s’agisse de sport ou d’escape game, on peut s’adresser à de nombreux âges et publics. En France, on a une excellence dans ce secteur en termes créatifs. On soigne les détails, on travaille les scénarios. C’est hyper important !
D. H. – De l’autre côté, la technologie est pour nous une liberté particulièrement précieuse dans la création. De nombreuses expériences que nous proposons utilisent différentes technologies – la plupart du temps invisibles. Pour autant, on ne fait a priori pas de mises en avant particulières comme un espace game 100% VR. Mais pourquoi pas continuer à utiliser de la réalité augmentée à certains moments de nos escape game. Idem pour le sound design, du mapping, le smell design… La palette d’outils est assez fascinante !
D. H. – Punchdrunk, Meow Wolf, AREA15 ou Secret Cinema sont de vraies références internationales qui nous captivent. Mais il faut faire attention aux modèles financiers de ces lieux, qui reposent beaucoup sur la consommation à l’intérieur des lieux. C’est finalement assez proche du cinéma, mais est-ce que c’est une particularité du public français ? Pas sûr… Et des concepts comme l’Atelier des Lumières ou TeamLab sont toujours impressionnants. La dernière chose qui m’a marqué récemment, c’est Puttshack par les équipes de TopGolf, avec des dispositifs gigantesques.
D. H. – En tout cas, nous envisageons le développement de notre propre modèle de salles en France et à l’étranger avec la confiance de nos opérations précédentes. A commencer par BATMAN ESCAPE, et 3000 mètres carrés à la Villette prochainement sur Paris. On va essayer de proposer quelque chose d’inédit sur cette région avant d’envisager un retour en région… En attendant on produit un escape game mobile sur Naruto, dont nous avons la licence, pour une tournée estivale et un espace de 20m2 transportable dans 8 centres commerciaux– sur 6 mois.
Plus d’informations sur BATMAN ESCAPE prochainement…
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