Le festival Courant3D se tient chaque automne à Angoulême. Laboratoire créatif et technologique, il est aussi un pont vers le cinéma, avec plusieurs partenariats pour faire voyager sa programmation innovante dans plusieurs festivals internationaux. État des lieux avec son fondateur, François Serre.
11ème édition du festival Courant3D du 10 au 15 octobre 2023
- Appel à projets Compétition Relief – Stéréoscopie – 3D, Réalité Virtuelle, Format Vertical, Réalité Augmentée, Intelligence Artificielle, VBeat, Recherche Scientifique : deadline le 1er juillet
- Appel à projets stéréoscopiques : deadline le 11 septembre
Courant3D, aux origines
François Serre – En 2012 à Angoulême, j’ai monté une formation de Supervision des Technologies du Relief et de l’Interactivité (FASTERI) avec Philippe Boisnard. Nous étions persuadés qu’il fallait explorer le champ des possibles entre l’art numérique et le cinéma. L’émergence de la 3D se heurtait aux sélections en festival qui n’avait de case pour celle-ci. C’est pourquoi, avec l’appui du festival de Clermont-Ferrand, j’ai fondé Courant3D : un événement dédié au relief et à l’interactivité. Aujourd’hui, nous parlons plutôt d’immersion, et cela reste inclus dans notre programmation. J’ai surtout dû travailler le rapport à l’image, car le son a depuis longtemps adopté le relief ! Cela explique notre position inédite sur l’innovation, car nous avons étudié le son avant tout.

F. S. – Courant3D s’est créé à l’appui du Pôle Image Magelis, avec une forte envie d’intégrer les étudiants d’Angoulême. La suite a bénéficié d’une vraie accélération des technologies dans nos vies : smartphones, réalité virtuelle ou augmentée… Avec les membres de l’association gérant l’événement, nous nous sommes mis d’accord pour faire un état des lieux chaque année de ces innovations, et en présenter le meilleur. Dans cette démarche, nous faisons ensuite voyager nos programmations dans des festivals partenaires : ceux spécialisés dans le court-métrage que sont Clermont-Ferrand et Interfilm (Berlin). Certaines œuvres, comme MR. HUBLOT réalisé par Laurent Witz et Alexandre Espigares, L’ANNÉE DU ROBOT d’Yves Gelie,.. ont été présentées chez nous avant de remporter des prix majeurs.
F. S. – Nous avons rapidement intégré la VR dans notre programmation (dès 2016). Nous avons été les premiers par exemple à inviter l’équipe d’Okyo Studio, et proposer leur production I, PHILIP. De même avec l’intelligence artificielle : nous sélectionnons des films générés avec de l’IA depuis 5 ans ! C’est notre vocation d’explorer les innovations pour y trouver les créateurs de demain, et lorsque ça fonctionne nous en sommes heureux.

Présenter l’innovation audiovisuelle aux futurs professionnels
F. S. – J’aime à présenter de vraies études de cas, qui sont au cœur des dernières innovations. Les retours d’expérience sont essentiels pour avancer tous ensemble, et ouvrir des imaginaires. On travaille énormément les échanges durant nos rencontres, et notamment à destination du jeune public. C’est formidable de voir des séances scolaires pleines, quand il s’agit d’aller découvrir des films interactifs comme TANTALE réalisé par Gilles Porte, loin des stéréotypes du cinéma d’aujourd’hui.
F. S. – Qu’il s’agisse de projets VR ou en haute définition pour le cinéma, l’audace paie. Mais la COVID a ralenti ou arrêté certaines grosses productions qui ne sont pas dans les critères d’exploitation du marché. Pourtant elles existent ! Mais elles restent rares, essentiellement car les écoles en parlent peu. Dans les formations, il y a de gros freins à l’innovation pour orienter in fine les étudiants vers des filières plus traditionnelles. Pourtant à Courant3D on offre une bourse à la création de 20 000 euros !

F. S. – L’industrie numérique n’a pas encore totalement intégré les filières éducatives, et les jeunes professionnel-les restent encore timides vis-à-vis de ces nouveaux formats. Malgré l’appui des pouvoirs publics en France, malgré la diffusion elle-même (les formats verticaux par exemple sont largement adoptés dans le secteur publicitaire). Il faut encourager la polyvalence des compétences vers l’intégralité des formats existants, mais aussi tester toutes ces nouvelles écritures avec de jeunes créateurs. L’appel du cinéma, du grand écran, des formats premium, ne doit pas faire oublier les champs d’exploration et d’innovation des autres formes audiovisuelles : réalité virtuelle, verticale…
L’intelligence artificielle au service de la création
F. S. – Depuis un an tout le monde parle d’intelligence artificielle, et c’est vrai que ce sont des outils intéressants dans certains processus de post-production. A Courant3D, c’est un sujet depuis longtemps. Je prépare d’ailleurs une forme de bilan de ces premières années de curation. Et en réalité, l’IA est déjà présente dans nos fabrications de films, nos logiciels de post-production : on ne veut juste pas l’évoquer trop directement. L’industrie ne l’assume pas encore totalement, même si des films existent déjà (notamment le film chinois M.A.R.Y. de Jingwei Deng réalisé en partie avec GPT-2 en 2018).
F. S. – L’utilisation de l’IA se fait de toute façon sur des données passéistes : cela ne peut pas remplacer les compétences des artistes et techniciens travaillant sur le film. On peut mettre à jour les informations (artefacts) des IA que l’on utilise, leur apprendre certaines valeurs artistiques, éthiques, sociales… Les artistes s’en emparent déjà avec beaucoup de créativité. 2018 a été la vraie année qui a marqué le démarrage de l’IA au service de la création. Des albums musicaux (Hello World” de Skygge), des livres ont été générés automatiquement. Le deepfake, le doublage, el sous-titrages – et d’autres technologies – en usage dans ces environnements, sont déjà là.

F. S. – Sur les 5 prochaines années, on va apprendre à travailler avec. Ensuite, on devrait l’avoir totalement adopté. Les phases de transition sont toujours les plus délicates. La preuve en est, on a déjà totalement absorbé l’usage des smartphones, des ordinateurs, etc. La prochaine étape sera de savoir comment y accéder, en fonction de la commercialisation que vont vouloir en faire les grandes entreprises (et en parallèle de certaines initiatives open-source).
F. S. – Si on se rapproche du secteur audiovisuel, la grande question autour de l’IA sera celle des droits. Techniquement, j’ai peu de doutes sur son adoption. Mais il faut en priorité s’intéresser aux implications juridiques, le cadre est délimité. Quid des sources utilisées par les outils d’IA ? Qui est “auteur” d’images ou de sons générées par IA “au de là de la notion juridique du style” ? Comment gérer cela au niveau international, avec des législations ou initiatives différentes ?

En dehors de Courant3D
F. S. – Nous accompagnons différents événements au niveau national, comme la Fête du Court Métrage. Et d’autres festivals sur Angoulême autour des industries culturelles et créatives. Notre expertise nous amène aussi à nous mettre au service de festivals, notamment sur de la prestation VR. Toutes nos actions tendent à la diffusion des œuvres que nous sélectionnons. Le plus important, quand on parle d’innovation, ça n’est pas la technologie : c’est de pouvoir les “pousser” dans le réseau des festivals avec qui nous collaborons. Et continuer à chercher les sujets de demain…
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