Realcast est une startup française dédiée à la création d’expériences en réalité mixte, à destination des musées et autres lieux culturels. Les cofondateurs ont mis leur passé dans le jeu vidéo à contribution pour comprendre comment interagir avec des publics sur ces nouvelles interfaces. Rencontre avec son cofondateur, Nino Sapina, à l’occasion de la présentation de leur nouvelle expérience au Hangar Y.
Du jeu vidéo AAA à Realcast
Nino Sapina – L’aventure Realcast a démarré en 2017. Avec mon associé Diego Fernandez, nous avons déjà connu plusieurs expériences professionnelles ensemble dans le jeu vidéo (notamment Ubisoft sur LES LAPINS CRÉTINS ou JUST DANCE) et la robotique. Et c’est à préciser, car ça a été des périodes formatrices en tant qu’entrepreneurs dans les nouvelles technologies ou sur des projets vidéoludiques très grand publics. L’arrivée de l’immersion a été presque une rencontre logique, plus du côté de la réalité augmentée et mixte. Nous y avons tout de suite vu la possibilité de rajouter des couches de virtuel sur le réel, mais de garder un pied dans le monde physique. Dès lors nous avons réfléchi aux processus de storytelling et d’interactions qui pouvaient y être intégrés…
N. S. – Si la VR existait déjà, peu de titres existaient – peu de casques aussi. Mais avec l’objectif d’aller à la rencontre du grand public (c’est une vraie priorité pour nous), aller vers les musées et les institutions nous a semblé cohérent. Pas dénué de challenges et de problématiques, mais logique ! Nous voulions proposer une expérience collective, en choisissant le casque HoloLens de Microsoft qui était le plus modulable à l’époque. Notre premier jeu, sous forme d’escape game, a été une immersion historique au Moyen-Âge. C’est un créneau dans lequel nous sommes toujours aujourd’hui, avec plusieurs titres disponibles dans des lieux comme le Musée de la Libération à Paris où on peut accompagner la Résistance sur la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Imaginer la réalité mixte au service du patrimoine
N. S. – Les expériences sur le patrimoine ou l’Histoire restent notre marque de fabrique. C’est un champ d’investigation, mais aussi une passion personnelle, qui résonne auprès du public. Raconter les lieux, les personnages historiques… Notre dernière expérience vient tout juste de sortir pour l’inauguration du Hangar Y à Meudon, un nouveau lieu culturel en périphérie parisienne. Le hangar est une ancienne usine de dirigeables construite voici plus de 130 ans, réhabilité en espace de découverte pour le public aujourd’hui. C’était particulièrement stimulant d’y imaginer une expérience MR autour de son histoire, celle du lieu mais aussi celle du dirigeable et des ingénieurs qui l’ont construite. Le scénario trouve le bon équilibre entre le contenu historique et pédagogique, et le côté ludique.
N. S. – La réalité mixte, comme l’augmentée, c’est la promesse de conserver l’émotion et la richesse du réel. On ne triche pas, comme pour la réalité virtuelle avec laquelle on peut tout reconstruire et jouer avec. Pour nous, l’objectif est de pouvoir mêler les couches de narration pour construire l’expérience la plus immersive possible. Et on peut tout utiliser : durée, rythme, sound design… Et pour l’utilisateur (ou visiteur), ça doit rester invisible ! La promesse ne fonctionne que s’il ou elle est impliqué-e sans réfléchir à ce qui est virtuel ou non. Techniquement, on paramètre tout très précisément – y compris dans une logique de spatialisation. Finalement la VR a moins de contraintes !
Produire une expérience MR
N. S. – Notre travail débute dès la visite d’un lieu. Même si on peut opérer une démonstration courte pour tester certaines choses, c’est la physicalité de l’espace qui va guider notre approche. On s’imprègne aussi des éléments historiques et sociaux pour ensuite faire une proposition narrative et artistique. La technique, proche du jeu vidéo ou d’un film de synthèse, est en fond. C’est le sujet qui doit guider le reste, et on passe de vrais moments à échanger avec les lieux.
N. S. – Depuis notre création, il y a eu de grandes avancées côté interactions. On peut utiliser évidemment les manettes, avec des pointeurs pour attraper les objets, etc. Mais c’est l’arrivée du hand-tracking qui a changé beaucoup de choses pour nous. C’est naturel pour nos visiteurs d’utiliser leurs mains, et c’est presque un réflexe de vouloir saisir certains objets dans le décor. C’est un élément qui renforce l’immersion, et l’histoire. Nos expériences sont d’une durée moyenne de 15 à 30 minutes, et ces nouvelles technologies participent à la fluidité de nos histoires sans y ajouter trop de matériels et d’onboarding. Et de notre côté, ça ouvre de nouvelles possibilités !
N. S. – L’évolution des technologies amène la MR au centre du jeu. Les derniers casques (HoloLens 2, Pico 4, Quest 2.…) sont très prometteurs. Les casques VR ont intégré le passthrough et des possibilités de réalité mixte qui nous intéressent. Sur le Hangar Y, on utilise des casques PICO – et c’est une petite révolution, car cela reste un casque fermé qui utilise ses caméras pour capter le réel. Cela répond aussi à une problématique concrète : la lumière ! Avoir un lieu d’exception, ça peut être un lieu très lumineux. Les nouveaux casques sont donc plus pratiques dans ce cas là.
N. S. – La MR propose des environnements plus riches, mais ne s’oppose pas à la VR. Il faut envisager la bonne technologie selon le sujet et les besoins, en poussant le curseur de la virtualité en fonction de ce que l’on recherche et de l’endroit dans lequel on vit l’expérience. Pour les institutions culturelles, l’objectif reste de valoriser leurs lieux. Et avec des projets que l’on peut vivre en dehors de chez soi !
Ouvrir les champs du possible (VR, AR, MR)
N. S. – Depuis le COVID, on a voulu se diversifier et tester différentes choses vers le gaming à l’heure où les ventes de casque décollent. On a sorti un titre de jeu de basket, JUST HOOPS, utilisant le hand-tracking, pour un public le plus large possible. C’est un peu un retour à notre passion du jeu vidéo ! Une version en ligne est disponible. Et ce sont autant d’occasions de tester certaines technologies pour nos projets patrimoniaux. Nous avons récemment intégré une équipe d’étudiants avec un projet de jeu original, HIDE THE CORPS, à Laval Virtual – un salon où nous serons fortement présents avec plusieurs de nos projets.
N. S. – Outre le musée de la Libération et le Hangar Y, nous avons une autre expérience à Citéco avec une immersion dans l’hôtel Gaillard dans laquelle nous incarnons le compositeur Frédéric Chopin venu rendre visite à l’ancien propriétaire des lieux Emile Gaillard, pour une séance de spiritisme un peu particulière..
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