Pierre Friquet est un explorateur de l’immersion depuis plus de dix ans. Qu’il s’agisse des premiers films 360 tournés en Inde (JET LAG, présenté à Cannes XR en 2016) ou de formats plus installatifs (SPACED OUT, PATTERNS…), Pierre n’a peur de rien. Et c’est avec la même passion qu’il se lance aujourd’hui dans une aventure toute nouvelle, celle de la création d’un masque de plongée numérique (sous la forme d’un casque VR étanche – le MeRCURY) et d’un studio de production dédié, NiGHT immersion. Une ambition qui suit ces derniers projets, et nous incite à penser que la double immersion de la VR dans l’eau est peut-être la machine poétique ultime.
Une proposition immersive sous-marine
PYARé – NiGHT immersion est un nouveau projet qui, finalement, est plus proche du domaine de la plongée que de la réalité virtuelle. Tout est centré sur la fabrication d’un nouveau casque totalement étanche, avec un impératif de confort pour l’utilisateur. J’avais déjà réalisé une installation VR aquatique, avec SPACED OUT (présenté à Sundance New Frontier, Prix Special du Jury à FilmGate, New Images Festival à Paris et VideoMapping à Genève en 2020, notamment) mais avec une autre marque de casque – qui sont orientés vers les parcs aquatiques. Lors de ces premiers tests, nous avons reçu plusieurs demandes commerciales. Nous avons alors développé notre expertise dans ce format, et plusieurs autres contenus artistiques immersifs.
PYARé – De cette première phase est venue l’idée du casque MeRCURY (inspiré du poster de l’édition 2020 d’Immersity !), un objet plus étrange, avec un look plus steampunk avec des antennes, etc. Dans le processus créatif je voulais m’éloigner du format geek/tech habituel. En 2023, nous commençons à être programmé : il nous faut juste une piscine ! Nous pouvons toucher des événements grand public ou des lieux plus privatifs comme des spas etc. Le masque de plongée numérique MeRCURY est un objet finalement assez simple d’utilisation, et autonome qui ne demande rien d’autre dans son utilisation – ni capteur ni ordinateur connecté.
PYARé – L’expérience utilisateur consiste donc à mettre le masque, et cela lance l’expérience. On respire à travers le tuba, et on peut flotter durant toute la durée de l’expérience. Côté son le masque est équipé, et nous espérons développer cette partie là en conduction osseuse ou autre technologie similaire de transmission audio. La pression sous l’eau limite néanmoins la diffusion du son, et les capacités des tympans. Il est évidemment possible d’avoir des enceintes sous l’eau pour multiplier les possibilités d’ambiances sonores. Selon Jeremy Bailenson, professeur de communication à l’université de Stanford et directeur fondateur du Virtual Human Interaction Lab, être dans l’eau avec un casque VR ne donne pas le mal de mer. Il a publié le résultat de ses recherches dans la revue prestigieuse Nature en 2021. Une fois que les utilisateurs ont mis la tête dans l’eau, la pression de celle-ci bloque l’oreille interne. Ils sont en “double immersion” fournie par VR + Water. Avec la réalité virtuelle aquatique, la métaphore de l’immersion est pleinement réalisée. (NiGHT immersion, site officiel)
PYARé – L’enjeu de notre proposition aujourd’hui est de rencontrer le maximum de lieux. Nous avons élaboré tout un protocole (notamment sur l’hygiène, issu de ce qui se fait dans les écoles de plongée) qui nous rend très autonome matériellement. Il nous faut aujourd’hui rencontrer des réseaux de diffusion disposant d’espace aquatique, susceptibles de nous faire circuler plus largement.
Sous l’eau, une immersion plus facile
PYARé – S’essayer à l’immersion sous l’eau, c’est faciliter l’expérience. On peut avoir des sensations sous l’eau sans bouger (la conception de vection, ou l’illusion d’un mouvement physique) – ce sont les yeux qui font tout le travail, le plus naturellement possible. Et c’est garanti sans motion sickness – si on garde les oreilles dans l’eau ! Et sans 6DOF, car c’est un enjeu autrement plus complexe : même sur AVATAR 2, l’équipe du film a dû reproduire les environnements avec des astuces de mise en scène et des ultrasons. Capter le tout en 6DOF était irréaliste. Aujourd’hui on propose NiGHT immersion sur 5 mètres carrés par spectateur, ce qui est assez grand et nous permet de maîtriser l’aspect sécurité et supervision indispensable dans ces conditions.
PYARé – Le concept global est de proposer des voyages immobiles, dans une volonté de repenser notre façon d’expérimenter les choses sans partir à l’autre bout du monde. Nous nous intégrons vers une industrie également plus importante, le tourisme et la plongée, qui privilégie aujourd’hui les expériences exclusives et inédites (comme les “staycation” ou les possibilités de divertissement proches de chez vous). On emmène le public dans des lieux inaccessibles (destinations virtuelles exotiques ou plus réalistes), en occupant des espaces comme les piscines ou bassins plus privatifs qui ont du temps pour cela.
PYARé – Dans notre démarche, on continue l’expérience du cinéma comme l’auteur de science-fiction français René Barjavel le fantasmait à propos d’un “cinéma total” dans les années 1920.. On essaie d’y connecter le maximum de sens, et de proposer une immersion totale avec les cinq sens pour mieux faire voyager les esprits. Dès 2018 c’est ce qui m’a motivé dans la réalité virtuelle. Il faut y voir une forme de psychédélisme, qui mêle l’art (pour moi) et la proposition (pour le public). L’eau accentue cela avec une double immersion, un engagement du corps.
Chapitre 2 : LE VOYAGE IMPOSSIBLE
PYARé – Je travaille aussi sur la suite de SPACED OUT, intitulée LE VOYAGE IMPOSSIBLE qui est en production. Dans ce nouveau chapitre, j’aimerai qu’on puisse aller nager dans le Soleil. Et y intégrer un autre hommage au travail de Méliès, mais aussi des sons des sondes Voyager I & II de la NASA. Un vrai mashup audio et visuel qui mélange archives, narration conçue pour ce nouveau voyage. LONE WHALE est un autre projet (feel good !) autour des sons marins et des baleines, sous forme d’enquête sous l’eau. DELUGE est centré sur la montée des hauts et un discours autour de l’écologie et des mythes autour des déluges. MATRIMOINE en Nouvelle-Calédonie autour du passé colonialiste français et des parcs animaliers sous-marins. Ou encore, une autre histoire autour d’une championne d’apnée. Enfin, le grand projet développé avec IN.VR en Allemagne concerne le capitaine Némo (en résidence Magelis l’été dernier à Angoulême).
PYARé – Après la présentation de SPACED OUT, j’ai refusé plusieurs propositions de distribution VR classique. J’ai voulu pousser notre concept jusqu’au bout, et en respecter les caractéristiques techniques et artistiques. C’est ce que l’on va continuer avec LE VOYAGE IMPOSSIBLE, avec une volonté de récréer la poésie de l’impesanteur. Et une interaction dite de “locomotion” qui emmène le spectateur dans le récit. Des modes de déplacement, des univers visuels psychédéliques, l’utilisation des mains etc.
PYARé – La génération 2 du MeRCURY devrait proposer plusieurs fonctions axées multi-utilisateurs : un micro pour communiquer, des caméras pour capter l’environnement, handtracking etc. Cela devrait ouvrir à d’autres possibilités – voir même transposer d’autres films VR à ces conditions ultra-marines !
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