Depuis plusieurs années, Festivals Connexion sillonne les festivals et les territoires de la région Auvergne-Rhône-Alpes avec des dispositifs VR « clés en main ». Entre 40 et 50 espaces VR chaque année, pour les festivals de cinéma d’abord, puis de plus en plus pour des structures culturelles et éducatives : universités, écoles, médiathèques, scènes nationales. Peu à peu, l’équipe de Thomas Bouillon et Gala Frécon constate un basculement net : le public ne vient plus « tester un gadget en plus de la séance », mais se déplace pour des films identifiés, échange entre pairs d’une année sur l’autre, se souvient des œuvres.
À force de monter des « mini-showrooms » sur mesure pour chaque partenaire – un matin pour une médiathèque, un après-midi pour un musée, une journée test pour une scène nationale – une évidence s’impose : il manque un temps fort unique, mutualisé, où tout le monde puisse voir beaucoup d’œuvres dans de bonnes conditions, comparer les formats et parler très concrètement de diffusion. C’est de là qu’est né iVR, premier showroom professionnel des œuvres immersives narratives, qui se tiendra les 9 et 10 décembre 2025 au Pôle Pixel, à Villeurbanne.
Cover: Festivals Connexion VR 📸 Gaetan Bailly
900 m², 150 casques : montrer les œuvres avant de parler modèle économique
iVR est pensé comme un outil de travail, pas comme un salon vitrine. Pendant deux jours, plus de 50 œuvres immersives narratives seront accessibles en illimité sur plus de 900 m², avec plus d’une centaine de casques déployés.  L’idée est simple et radicale : « voir des films, voir des films, voir des films » avant de débattre de stratégie.
Pour éviter que les programmateurs se perdent dans une liste de 60 titres, l’équipe a structuré l’espace en « corners » thématiques : Histoire & patrimoine, Science & nature, Filmer l’intime, Danse & musique, Labo, Mondes imaginaires, Pouvoir & territoire, plus un espace dédié à la médiation.  Un planétarium ne se posera pas les mêmes questions qu’un festival de cinéma de genre ou qu’une maison de la danse ; iVR leur offre des parcours de visionnage immédiatement projetables dans leurs réalités de lieu, de public et d’équipe.
Sur place, les médiateurs sont organisés en binômes par corner, avec une dizaine de casques chacun. Les volontaires sont issus de masters de médiation artistique, formés en amont aux œuvres. L’objectif n’est pas seulement de faire tourner un maximum de séances, mais de garantir un accueil qualifié, où l’on peut parler de ce qu’on a vu – comme on le ferait à la sortie d’une salle de cinéma. 
Les tables rondes (lien) :
- Cinéma et réalité virtuelle, comprendre les étapes de création et de diffusion d’une œuvre VR narrative (Mardi 9 décembre à 15h)
- Nouveaux lieux de diffusion et expériences XR (Mercredi 10 décembre à 11h30)
Travailler les formats : du stand-alone au dispositif hybride
La programmation d’iVR s’appuie d’abord sur le catalogue ressource que Festivals Connexion VR a développé dans sa collaboration avec plusieurs distributeurs (Astrea, Unframed, Diversion, Targo, quelques indépendants). À partir de cette base, l’équipe a consulté les distributeurs pour ajuster le line-up au profil des publics invités : médiathèques, scènes nationales, réseaux d’éducation à l’image, collectivités, exploitants, salles de spectacle, artistes-auteur.es…. 
Le cœur du dispositif reste la VR narrative en casque – 3DOF, 6DOF, 360° – que Festivals Connexion programme et médiatise toute l’année sur les festivals. Mais iVR assume aussi l’ouverture à des formes plus hybrides : installations AR/MR, œuvres multi-utilisateurs, dispositifs connectés à un écran LED monumental. NOIRE, FRAGILE HOME, IN PURSUIT OF REPETITIVE BEATS, 21–22… Autant de projets primés à Clermont-Ferrand, Annecy ou Cannes qui permettent de montrer comment la création immersive dialogue avec le spectacle vivant, l’installation ou les grands écrans. 
Ce choix n’est pas anodin : aujourd’hui, une grande part des financements – publics comme privés – se concentre sur des formats « large scale » ou à forte capacité, souvent portés par de grosses licences. Festivals Connexion VR rappelle, par la programmation d’iVR, qu’il existe un autre versant de la filière : celui des écritures indépendantes, sensibles, souvent individuelles, qui relèvent d’un « cinéma VR » exigeant. Le showroom cherche à articuler ces deux réalités plutôt qu’à les opposer, en montrant de façon très concrète à quels espaces, quelles équipes et quels publics chaque format peut répondre.
Un accélérateur pour la diffusion et la filière distribution
iVR est conçu comme un levier direct pour la diffusion. Plus de 400 professionnel·les se sont inscrits : médiathèques de la métropole de Lyon, salles de cinéma, structures d’éducation populaire, écoles d’animation, universités, institutions patrimoniales, mais aussi collectivités et mairies venues comprendre ce que la VR peut changer dans leurs politiques culturelles. 
Pour Festivals Connexion, il s’agit autant de servir son propre dispositif que de travailler pour la filière distribution. Les distributeurs présents rencontrent en direct des décideurs de territoires qu’ils n’ont pas toujours le temps de toucher lors des grands marchés internationaux. L’enjeu est clair : que la participation à iVR génère des tournées, des achats, des partenariats, et pas seulement un joli post Instagram. 
Dans ce contexte, le soutien du CNC via le Fonds d’aide à la création immersive permet de tenir une ligne qui n’est pas strictement commerciale : le modèle de Festivals Connexion VR n’est pas celui d’une « poule aux œufs d’or », mais d’une structure qui mutualise efforts techniques, médiation et production de publics au bénéfice des catalogues. iVR s’inscrit comme un volet supplémentaire de ce programme, pensé à l’échelle nationale plutôt que régionale. 
France 2030 et la question des lieux pérennes
iVR arrive aussi à un moment où la question des lieux immersifs se politise. Autour du Pôle Pixel, un projet de salle immersive a été déposé dans le cadre de France 2030 : un espace combinant projection monumentale opérée par BK International et un dispositif d’éducation aux images immersives piloté par Festivals Connexion, dédié à l’accueil de publics, à la R&D, à la formation. Même si la réponse n’est pas encore connue, cette dynamique a déjà déclenché de nouvelles coopérations entre studios, structures culturelles et collectivités.
L’enjeu est double. D’un côté, continuer à faire ce que la VR permet de mieux que n’importe quel autre médium : aller partout, du studio aux salles des fêtes rurales, en adaptant le dispositif à la demande locale. De l’autre, structurer des lieux pérennes où l’on puisse travailler dans la durée sur des œuvres comme Empereur, en les articulant avec l’hôpital, le champ social, l’éducation, des cycles de médiation, des expositions, des masterclasses.
L’effort d’éducation et de sensibilisation de l’équipe de Festivals Connexion en faveur des expériences hybrides immersives en XR, est louable et essentielle à une époque où les enjeux de renouvellement des publics et des formes en diffusion s’inscrivent comme des sujets incontournables dans la Culture.
Maxence Grugier, Chargée de projet Arts Hybrides et Numériques, Pôle PIXEL
Pour cela, Thomas Bouillon et Gala Frécon plaident pour des dispositifs reconnus par le CNC et les ministères, capables d’entrer dans les établissements scolaires, les lycées, les réseaux d’éducation à l’image avec des cadres clairs et des ressources dédiées – pas simplement des interventions « coup par coup » arrimées à un festival. iVR se présente comme une étape vers cette reconnaissance : un lieu où l’on voit concrètement ce que pourrait être une politique publique des images immersives. 
De l’isolement supposé à l’expérience réellement collective
Reste à dépasser une idée reçue tenace : le casque VR isolerait le spectateur. L’équipe de Festivals Connexion prend le contrepied : « C’est comme dans une salle de cinéma. Pendant le film, on ne parle pas ; après, on se retrouve. » Une fois le casque retiré, l’expérience redevient profondément collective – souvent même plus dialoguée qu’après une projection classique, parce qu’il faut mettre des mots sur quelque chose de très intime. 
Avec iVR, cette conviction se traduit dans un dispositif concret : espaces de médiation identifiés, temps de circulation entre les corners, tables rondes qui relient créateurs, diffuseurs et lieux, mais surtout un focus assumé sur les œuvres et leurs effets sur les publics. À l’heure où les appels à projets France 2030, les grandes enseignes de « LBE » et les injonctions à la rentabilité rapide brouillent parfois les lignes, ce showroom rappelle une chose simple : avant de parler modèle, il faut regarder les films – beaucoup de films – et se demander comment ils peuvent vivre, durablement, dans des lieux précis avec des publics réels.
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.