Organisé le 6 novembre à New York, Nocturne Immersion (lien) marquait une nouvelle étape dans la stratégie de la Villa Albertine pour soutenir la création immersive et les liens transatlantiques entre la France et les États-Unis. Conçu avec Dark Euphoria, le programme s’inscrivait dans le cadre de Novembre Numérique, initiative mondiale de l’Institut français consacrée aux cultures numériques.
Entre échanges professionnels, table ronde et performance, l’événement proposait un état des lieux du spectacle vivant augmenté, réunissant artistes, producteurs et institutions américaines autour d’un même objectif : mieux comprendre les enjeux de diffusion et de production de ces nouvelles formes artistiques.

Construire des ponts entre artistes français et institutions américaines
« L’immersif n’est pas une bulle à part, mais déjà une réalité pour de nombreuses institutions américaines », rappelle Camille Jeanjean, Chargée des nouveaux médias à la Villa Albertine. Depuis 2021, la structure développe un ensemble de résidences, bourses et programmes de coopération pour accompagner les artistes français aux États-Unis, notamment via les French Immersion Grants destinés à encourager les institutions américaines à programmer des œuvres immersives françaises.
Nocturne Immersion s’inscrivait dans cette continuité : offrir un cadre de rencontre entre créateurs français et partenaires culturels américains. L’enjeu, selon Jeanjean, était de créer des moments « où artistes et programmateurs peuvent échanger concrètement sur les conditions de production et de diffusion, plutôt que de rester dans la présentation d’œuvres ».
Les lauréats de la Villa Albertine’s 2026 French Immersion (lien)
- New York City / Lincoln Center for the Performing Arts (PLAYING WITH FIRE)
- Floride / MAD Arts (LILITH.AEON)
- San Francisco / Gray Area (UNNATURAL – OF HUMUS AND ARTIFACT)
- New York City / Onassis ONX (KATABASIS)
Un format hybride : temps professionnel et ouverture artistique
Conçu en collaboration avec Dark Euphoria, structure marseillaise qui pilote les Rencontres SVSN (Spectacle Vivant, Scènes Numériques) à Avignon, l’événement new-yorkais reprenait un principe similaire : associer réflexion et expérimentation. « Notre rôle n’était pas d’exporter SVSN, mais d’adapter une méthode : faire dialoguer les disciplines et rendre visibles les conditions réelles de production », explique Marie Point, directrice de Dark Euphoria.
La journée s’est articulée autour de rendez-vous professionnels entre artistes et représentants d’institutions new-yorkaises comme le Lincoln Center ou Onassis ONX Studio, suivis d’une Nocturne publique à la Villa Albertine. Celle-ci a proposé une table ronde intitulée Crossing Realities – Opportunities and Challenges in Immersive Performing Arts et une performance de NSDOS, musicien et chorégraphe qui explore les liens entre données, mouvement et son.

Un espace d’échange plutôt qu’une vitrine
La table ronde a réuni plusieurs partenaires : Chaillot – Théâtre national de la Danse, VIVE Arts, Lincoln Center, aux côtés d’artistes et techniciens engagés dans la création immersive. Les discussions ont porté sur les modalités de production et d’accueil de ce type de projets, souvent complexes à monter et à présenter.
Les intervenants ont insisté sur la nécessité de partager des protocoles communs : documentation technique claire, anticipation de la médiation, maintenance et accessibilité pour les publics. Le débat a aussi mis en lumière la difficulté à faire tourner des œuvres nécessitant des dispositifs lourds ou coûteux, ainsi que le besoin de coopérations internationales pour mutualiser les ressources.

Les lauréats de la Villa Albertine 2026, catégorie New Media (lien)
- San Francisco / Holly Herndon & Mat Dryhurst
- Boston / Béatrice Lartigue
Une performance emblématique
Le choix de programmer NSDOS (Kirikoo Des) s’inscrivait dans la continuité du travail de la Villa Albertine avec des artistes qui explorent la relation entre corps, données et technologies. Sa performance, présentée comme une œuvre en cours de développement, a proposé une expérience à la croisée de la danse et de la composition numérique. Ce moment artistique visait moins à montrer un “produit fini” qu’à incarner la démarche expérimentale qui relie artistes et institutions autour de ces nouvelles écritures.

Des échanges concrets pour de futures coopérations
Au-delà de la soirée, Nocturne Immersion a surtout permis d’ouvrir des discussions de fond sur les formes d’accompagnement possibles pour les artistes français aux États-Unis. L’idée est de créer des passerelles pérennes avec des institutions américaines qui manifestent un intérêt croissant pour les pratiques immersives, tout en ayant dans le champ du spectacle vivant leurs contraintes spécifiques.
Côté français, ces rencontres offrent un cadre de travail réel pour aborder la question de la diffusion, souvent absente des soutiens à la création. Elles contribuent aussi à identifier des interlocuteurs capables d’accueillir des formats hybrides : œuvres en réalité virtuelle, installations interactives ou performances technologiques.
Une approche progressive et collaborative
Pour Marie Point, ces rencontres jouent avant tout un rôle d’amorce. « Les projets mêlant performance et création numérique sont longs et complexes à développer, souvent difficiles à faire circuler. Pour qu’ils existent réellement, il faut se connaître, échanger, comprendre les logiques de production et de diffusion de part et d’autre. » En créant des temps de networking ciblés, en petits groupes, Nocturne Immersion permet de poser les premières pierres : un terrain commun entre artistes, producteurs et institutions, à partir duquel peuvent naître des collaborations durables entre la France et les États-Unis.

Un travail de long terme
La Villa Albertine prévoit de prolonger le cycle Nocturne dans d’autres villes américaines, afin de continuer à explorer ces collaborations. L’idée n’est pas de multiplier les événements, mais de construire un réseau durable entre les lieux de création et les acteurs institutionnels. Ces initiatives rejoignent la dynamique plus large de l’Institut français, qui via Novembre Numérique, soutient la circulation des œuvres et des savoir-faire dans le champ numérique et immersif.
Pour les deux partenaires, Nocturne Immersion ne se conçoit pas comme une vitrine ponctuelle, mais comme une étape : un espace où les questions de production, de diffusion et de médiation peuvent être discutées collectivement, à égale distance entre l’expérimentation artistique et la structuration du secteur. En attendant donc la prochaine édition à l’automne 2026.



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