Ouverture le 31 octobre : la 31e édition du GIFF (Geneva International Film Festival) propose une section immersive riche en découvertes (et redécouvertes !) ainsi qu’un marché en prise directe avec les enjeux et le potentiel du secteur.
Cover: Future Botanica (Polymorf)
Une plongée dans la production immersive néerlandaise, une nouvelle collaboration centrée sur la musique, des œuvres XR qui interrogent notre lien au monde et explorent les possibilités technologiques actuelles pour offrir de nouvelles formes de narration : la 31e édition du GIFF, qui s’ouvre le 31 octobre, affirme sa force dans la diversité et le regard pluriel qu’elle porte sur le champ immersif.
Alors que la section immersive présente certaines des meilleures œuvres vues dans les festivals du secteur — aux côtés de nouveaux titres que nous avons hâte de découvrir — le marché propose des conférences stimulantes qui s’interrogent sur la relation entre les médias. Souvent, la question posée n’est plus comment l’immersion est influencée par la production culturelle et technologique, mais comment elle la façonne à son tour.
Nous avons rencontré Anaïs Emery, directrice générale et artistique, pour en savoir plus sur cette nouvelle édition.
À la découverte de la scène immersive néerlandaise au GIFF 2025
Anaïs Emery – Cette année, dans notre section immersive, nous mettons à l’honneur la créativité venue des Pays-Bas, un territoire particulièrement fertile pour la création immersive. Bien sûr, nous présenterons aussi des films et séries produits dans le pays, mais la scène immersive néerlandaise est réellement remarquable. Notre programmation mettra en avant des œuvres phares comme ANCESTORS de Steye Hallema, présenté pendant les dix jours du festival, ou FUTURE BOTANICA de Marcel van Brakel et Hazal Ertürkan — une pièce absolument extraordinaire. On peut l’explorer sur smartphone ou iPad, en ajustant les paramètres pour générer une nouvelle forme de vie végétale. C’est une œuvre très poétique, qui peut durer quinze minutes ou davantage selon le temps que l’on choisit d’y passer. Elle sera présentée dans la caravane XR Roadshow, stationnée devant l’Université de Genève, avec un accès gratuit pendant toute la durée du festival.
Nous présenterons aussi le magnifique FROM DUST de Michel van der Aa (doubleA Foundation), lauréat du Best Immersive Work cette année à Cannes, ainsi que LACUNA de Maartje Wegdam et Nienke Huitenga-Broeren.
Dans cette même section figurent également REVIVAL ROADSHOW de Luke Conroy et Anne Fehres, un vrai coup de cœur de l’année, ainsi que le nouveau projet de Tibor de Jong, KORSTMOS.

La diversité des formats, des esthétiques et des thèmes dans ces œuvres dessine la richesse de la créativité néerlandaise et confirme combien ce pays est devenu un acteur clé de la scène immersive internationale.
Les temps forts de la programmation immersive 2025 du GIFF
A. E. — Nous avons sélectionné des projets particulièrement puissants pour la compétition immersive internationale de cette année. Parmi eux :
CECI EST MON CŒUR de Nicolas Blies et Stéphane Hueber-Blies (première suisse), LA MAGIE OPÉRA de Jonathan Astruc et Eric Barbedor, une œuvre multi-utilisateurs à grande échelle qui fait découvrir l’opéra en réalité virtuelle, et LA FILLE QUI EXPLOSE VR de Caroline Poggi et Jonathan Vinel — trois créations à la direction artistique affirmée.
D’autres œuvres se distinguent par leurs dispositifs, comme REFLECTION OF LITTLE RED DOT de Chloé Lee, un documentaire que je trouve parmi les plus beaux de l’année, ou OUT OF NOWHERE de Kris Hofmann, qui interroge finement la relation entre le corps et le récit. Même approche pour EMPATHY CREATURES de Mélodie Mousset. La section se clôt sur deux premières suisses : LESS THAN 5GR OF SAFFRON de Négar Motevalymeidanshah et CREATION OF THE WORLDS de Kristina Buožytė et Vitalijus Zukas.
Notre rétrospective Hors Compétition, POP TV, rend hommage à Jean-Marc Vallée à travers une collaboration avec PHI pour l’exposition immersive MIXTAPE de Sylvain Dumais et Phoebe Greenberg, présentée en première européenne. C’est une installation immersive et sonore qui revisite les cassettes que le cinéaste enregistrait pour ses acteurs et collaborateur·rices — des indications artistiques, des émotions, des directions de jeu. Puisque le GIFF s’intéresse au cinéma, aux séries et aux œuvres immersives, cette opportunité de montrer l’ensemble du travail audiovisuel de Vallée était immanquable.

Nous présenterons aussi LOCUS SOLUS (GIFF × Ensemble Contrechamps) : trente concerts de musique contemporaine tout au long du festival, toutes compositions originales. Le public y assiste à un concert live — un véritable orchestre — tout en portant un casque VR. L’univers virtuel est synchronisé à la musique, pour une expérience totale.
D’autres œuvres immersives à découvrir hors compétition
La section Pulsation présente notamment COLOUR TO LIFE d’Antonin Ricou et Peter Ha, produit par la HEAD – Genève dans le cadre d’un projet sur la paraplégie. C’est une expérience typique du « VR for Good » : elle vise à divertir et soutenir les personnes à mobilité réduite. Le joueur avance dans l’histoire uniquement par le regard.
Autre projet marquant : SPIRA MEMORIES d’Alexine Sierro (ECAL – Lausanne), une œuvre qui associe réalité virtuelle et odorat. S’ajoutent THE BIG CUBE de Menghui Huang et la première mondiale de THE ISLAND OF SHELLS, une animation dessinée à la main au style saisissant.
Nouvelles orientations du marché : conférences et sessions “Immersive Connect” 2025
A. E. — Parmi les grands temps forts du Geneva Digital Market (GDM), nous organisons une conférence intitulée “YouTube Turns 20: How Creators Adapt To Platform Shifts”, consacrée au vingtième anniversaire de YouTube. Des artistes et producteurs actifs sur la plateforme y échangeront sur leurs modèles économiques et artistiques, et sur l’évolution des formats. Rendez-vous le lundi 3 novembre.
Dans notre programme de conférences, nous reviendrons aussi sur les créations pour smartphone et leurs modèles économiques, avec la table ronde “From Studios to Smartphones: Fiction in the Age of User Content”, réunissant Karen Palmer (Consensus Gentium), Steye Hallema (Ancestors) et l’équipe de Future Botanica.

Nous consacrerons également une session entière à l’immersion sonore (Immersive Music: Rethinking the Dialogue Between Image and Sound) et une autre à l’adaptation d’œuvres XR pour le cinéma et la télévision (Adapting XR Works to High-Impact Film and TV Production), avec notamment Liz Rosenthal et Eloise Singer.
Les conférences seront disponibles en ligne dès le lendemain pour les titulaires d’une accréditation, puis accessibles gratuitement sur le site du festival quelques mois plus tard.
Enfin, nous lançons cette année les Immersive Connect Sessions, un nouveau format du marché : quatre œuvres immersives internationales y seront présentées à des institutions culturelles suisses majeures. L’objectif n’est pas de promouvoir nos propres artistes, mais de créer des passerelles entre des œuvres d’exception encore inédites en Suisse et les musées, théâtres et autres lieux de diffusion.
Le rôle du festival dans un secteur immersif en mutation
Produire un festival devient de plus en plus difficile : tensions internationales, budgets en baisse, coûts en hausse. Et pourtant, les festivals n’ont jamais été aussi essentiels : ce sont des lieux où les œuvres circulent, où les idées se confrontent, où les regards se croisent. Cette responsabilité est réelle, et nous faisons tout pour maintenir notre activité et la protéger. The show must go on.
Cette année, une évolution majeure est notre partenariat avec l’Ensemble Contrechamps, qui introduit la musique et les concerts live dans notre écosystème — une avancée significative. Autre choix marquant : présenter Future Botanica dans la caravane XR Roadshow, devant l’université. Ce type de décision a un impact concret sur la manière dont nous produisons le festival et dont nous interagissons avec le public.
Et justement, le public est de plus en plus curieux et prêt à expérimenter. Nous avons profondément transformé notre offre immersive : elle se compose désormais de nombreuses œuvres longues, spectaculaires, conçues pour de petits groupes.
Globalement, j’ai vu cette année beaucoup d’œuvres passionnantes circuler dans les festivals. La production est peut-être moins abondante qu’avant, mais nous avons reçu un grand nombre de propositions. J’ai le sentiment que nous sommes à un tournant : une période charnière pour la suite. Les œuvres actuelles sont le fruit des efforts passés, et elles sont artistiquement magnifiques. Mais il reste beaucoup à faire du côté de la distribution — le risque, aujourd’hui, est de perdre le soutien public justement au moment où il faudrait investir davantage.

Notre secteur doit aussi adopter une perspective plus internationale : chaque rapport sur la production immersive reste encore cantonné à un seul pays. Nous n’avons pas encore une vraie vision globale, un observatoire commun. Nous devons assembler les pièces du puzzle pour comprendre notre situation collective. Les pays dotés d’institutions fortes et d’une scène culturelle dynamique sont naturellement mieux placés pour le développement immersif.
J’aime profondément ce champ. Il nous permet de raconter des histoires autrement, et c’est cette liberté qui attire les artistes. La possibilité de représenter et d’imaginer des récits de tant de manières différentes est, à mes yeux, la plus belle dimension de notre travail — une dimension aussi très liée aux spectateurs, qui peuvent intervenir dans l’œuvre. C’est là toute la beauté du médium : l’infinité des histoires possibles.
Le Geneva International Film Festival se tiendra à Genève du 31 octobre au 9 novembre 2025, tandis que le Geneva Digital Market aura lieu du 3 au 6 novembre. Les accréditations sont disponibles via le lien officiel. Si vous ne pouvez pas vous rendre sur place, l’accréditation Geneva Digital Market Online donne accès aux conférences en ligne (replay dès le lendemain), aux présentations de projets et à la plateforme de mise en relation entre professionnel·les du secteur.
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