Avec un catalogue qui allie documentaires engagés, récits artistiques et formats immersifs soigneusement élaborés, la productrice An Oost a positionné Cassette for timescapes comme l’une des voix les plus distinctives de Belgique dans le domaine de la réalité virtuelle et de la non-fiction créative. À l’heure où la Belgique continue de jouer un rôle pionnier dans le paysage européen de la réalité étendue (XR), à la fois en tant que précurseur et en tant que pays où la XR continue d’attirer l’attention et l’ambition créative, son travail se distingue par son engagement envers les communautés sous-représentées et par la manière dont il transforme l’expérience vécue en environnements que le spectateur découvre avec une véritable liberté d’action.
De GLAD THAT I CAME, NOT SORRY TO DEPART à FLOATING WITH SPIRITS et, plus récemment, A LONG GOODBYE, récompensé à Venise, ses projets démontrent comment une proximité immersive peut générer une compréhension émotionnelle plus profonde et un impact social durable. Dans cette conversation, An Oost réfléchit à l’évolution de l’écosystème belge, à la reconnaissance croissante de la réalité étendue (XR) sur la scène internationale et aux stratégies de production nécessaires pour soutenir des œuvres hybrides à travers différents formats, publics et époques.
Cet article fait partie de notre couverture French XR in Benelux, une initiative 2026 en partenariat avec l’Institut français aux Pays-Bas, l’Ambassade de France en Belgique et l’Institut français du Luxembourg, visant à promouvoir le dynamisme des écosystèmes locaux dédiés à la création immersive. https://xrinbenelux.fr
Cassette for timescapes : créer un langage narratif distinctif dans la réalité étendue (XR)
Cassette for timescapes est une société de production belge de premier plan, entièrement féminine, spécialisée dans les documentaires et la réalité virtuelle. Nous mettons l’accent sur une ligne éditoriale forte, un développement approfondi des projets et des coproductions internationales. Notre objectif est de faire évoluer la société, en abordant des thèmes tels que le genre, l’identité culturelle, la migration, le changement climatique et la santé (mentale). Les projets immersifs que nous créons partent des réalités vécues par des communautés sous-représentées dans la culture audiovisuelle dominante. En réalité virtuelle, ces voix ne sont pas seulement « entendues », elles deviennent des environnements et des rencontres que le spectateur peut explorer avec une grande liberté d’action et une proximité unique. Cette proximité immersive favorise une compréhension émotionnelle plus profonde et un impact social plus durable.

GLAD THAT I CAME, NOT SORRY TO DEPART de Zam Zadeh (2020) plongeait le spectateur dans la poésie puissante du philosophe et mathématicien persan du XIe siècle Omar Khayyam. FLOATING WITH SPIRITS de Juanita Onzaga (2023) ouvre la perception du spectateur en partageant les connaissances ancestrales de la communauté mazatèque de Huautla au Mexique, nous reconnectant ainsi à la nature et à l’au-delà. Dans notre dernière œuvre en réalité virtuelle, A LONG GOODBYE (2025) de Kate Voet & Victor Maes, vous incarnez un pianiste de 72 ans atteint de démence. Tous les projets combinent plusieurs techniques ou plateformes pour raconter ces histoires d’une manière authentique pour les protagonistes et guidée par la forte vision créative des réalisateurs.
La Belgique, un environnement favorable au développement de la réalité étendue (XR)
La Belgique est devenue un terrain fertile pour la création immersive, car elle réunit différents éléments clés : un soutien public important à l’expérimentation artistique, une culture de production profondément collaborative et une longue tradition dans le domaine du documentaire et des arts visuels axés sur l’auteur. Ici, la réalité étendue (XR) n’est pas considérée comme une curiosité technologique, mais comme un moyen d’expression artistique pleinement reconnu.
Les organismes de financement régionaux ont très tôt adopté les formats immersifs, comprenant que la réalité étendue nécessite de la recherche, du prototypage et la prise de risques. Cette ouverture donne aux créateurs la possibilité de créer, permettant ainsi l’émergence de nouvelles voix et de formes hybrides.
Le secteur audiovisuel belge repose également sur la collaboration transfrontalière. Les producteurs sont habiles à naviguer dans les financements internationaux et à constituer des équipes multidisciplinaires à travers l’Europe. Pour la réalité étendue (XR), où se croisent la narration, le design, le son et la technologie, cet état d’esprit est essentiel. Combiné à la forte industrie documentaire et à la scène artistique contemporaine de la Belgique, il confère aux projets XR belges une identité distinctive, créative et tournée vers l’international.
A LONG GOODBYE et son effet d’entraînement au-delà de Venice Immersive
Recevoir le prix Venice Immersive Achievement Prize pour A LONG GOODBYE a eu un impact très positif sur notre entreprise.
Venise reste l’un des rares festivals internationaux où les œuvres immersives sont évaluées avec le même sérieux artistique que le cinéma. C’est important, car cela valide la narration immersive en tant que pratique artistique et modifie la façon dont les institutions locales comprennent et valorisent la réalité étendue (XR). Pour une société de production travaillant dans le domaine du documentaire créatif et de la réalité virtuelle socialement engagée, un festival comme celui de Venise renforce l’idée que les œuvres immersives peuvent rivaliser avec les œuvres cinématographiques et artistiques traditionnelles. Cette validation renforce notre capacité à obtenir des coproductions, à attirer de nouveaux talents et à établir des partenariats à long terme. Elle permet à timescapes de se positionner comme une société de production européenne avec une identité distincte axée sur les auteurs. La reconnaissance internationale a un effet d’entraînement dans notre pays.

Lorsqu’un projet belge est célébré à Venise, cela montre aux organismes de financement locaux, aux musées, à la presse, aux médias et aux décideurs politiques dans le domaine culturel que les formats immersifs ne sont pas des ajouts marginaux et expérimentaux, mais des œuvres artistiques culturellement pertinentes ayant une portée mondiale. Cela conduit souvent les institutions à se montrer plus ouvertes au soutien des productions XR, tant au niveau du financement que de la distribution, ce qui est essentiel pour la recherche artistique et l’innovation durables.
Les défis liés à la production d’œuvres hybrides en réalité étendue (XR)
Les projets hybrides XR nécessitent des écosystèmes capables de soutenir à la fois l’expérimentation artistique et la complexité technique. En Belgique, nous bénéficions d’un environnement culturel favorable, mais il existe quelques défis à relever.
Comme indiqué précédemment, le Fonds audiovisuel flamand (VAF) est très ouvert à la réalité étendue (XR) et nous pouvons désormais également trouver des financements dans le cadre du programme Tax Shelter du gouvernement fédéral belge (également pour les coproductions minoritaires). Ainsi, en combinaison avec un montage de coproduction, des financements européens tels que digital et en sollicitant plusieurs fonds dans différentes régions ou différents secteurs (fonds à impact social), nous parvenons généralement à bien financer nos projets.
Pour de nombreuses œuvres immersives, la distribution en Belgique reste toutefois limitée aux festivals et aux projections temporaires dans des lieux culturels. Il n’existe pas de réseau national cohérent pour l’exposition XR, et le marché commercial LBE est, disons, très commercial. Par conséquent, les projets à forte valeur culturelle ou sociale, comme ceux que nous développons chez timescapes, dépendent fortement des circuits internationaux pour toucher leur public.

Cela dit, le paysage belge évolue clairement : de plus en plus de lieux culturels intègrent la réalité étendue (XR) dans leur programmation, offrant ainsi aux projets de réalité virtuelle (VR) de plus en plus d’opportunités de toucher un public plus large en Belgique également. Au fil des ans, j’ai constaté une évolution remarquable dans la programmation des festivals belges. Alors qu’en 2020, nous pouvions soumettre notre projet à deux ou trois festivals locaux, A LONG GOODBYE a désormais été présenté (depuis sa première à Venise fin août) dans six festivals belges en trois mois.
L’avenir de la co-création immersive franco-belge
La France et la Belgique ont déjà une longue histoire de coproduction dans le domaine du cinéma et du documentaire, et la réalité étendue (XR) s’inscrit naturellement dans le prolongement de cette collaboration. Nos deux projets, A LONG GOODBYE et FLOATING WITH SPIRITS, ont été montés comme des productions Benelux. Je suis très ouvert à la coproduction avec la France et nous l’avons déjà fait pour nos documentaires linéaires, mais curieusement, je n’ai encore jamais produit de projet XR avec la France. Que ceci soit donc une invitation ouverte aux producteurs français à me contacter.
Je pense qu’il y a une nette évolution, en France et à l’international, vers des expériences multi-utilisateurs en libre accès et des œuvres conçues spécifiquement pour les environnements muséaux. Je suis cette tendance avec beaucoup d’intérêt et je vois un énorme potentiel dans les formats partagés et multi-utilisateurs. Jusqu’à présent, cependant, l’innovation technologique a souvent dépassé la profondeur de la narration.

C’est pourquoi je suis particulièrement enthousiaste à l’idée des possibilités créatives qui émergeront lorsque ces expériences commenceront à intégrer une narration plus forte et plus imaginative.
Construire le long terme pour les œuvres immersives
Chez timescapes, nous abordons la durabilité à long terme en concevant nos œuvres immersives de manière à ce qu’elles puissent exister sous plusieurs formats et à différentes échelles. FLOATING WITH SPIRITS, par exemple, a été produit non seulement comme une expérience PCVR interactive 6DoF pour HTC Vive, mais aussi comme une vidéo à 360° afin d’assurer sa compatibilité avec un plus large éventail de casques. GLAD THAT I CAME, NOT SORRY TO DEPART a été conçu comme un film d’animation à 360°, complété par une exposition itinérante avec des illustrations en réalité augmentée et un roman graphique en réalité augmentée. Et pour A LONG GOODBYE, à l’origine une œuvre interactive à l’échelle d’une pièce, nous avons récemment créé une version assise afin de la rendre plus accessible, en particulier dans les environnements éducatifs et médicaux. Les écoles, en particulier, souhaitent intégrer cette œuvre dans leurs programmes d’enseignement sur la santé depuis plusieurs années.
Cette approche multiplateforme et évolutive nous aide à prolonger la durée de vie de chaque projet, à toucher un public plus large et à créer des opportunités de revenus supplémentaires au fil du temps.
D’un point de vue technique, nous archivons tous les documents sources afin que les futures migrations ou réencodages puissent se faire en douceur à mesure que les formats évoluent. Nous nous appuyons également sur des moteurs largement adoptés tels que Unity et Unreal afin de minimiser notre dépendance à l’égard de technologies de niche ou obsolètes.

Sur le plan financier et en termes d’impact, nous explorons des partenariats à long terme au-delà de la phase de production initiale. Pour notre coproduction THE IMAGINARY FRIEND de Steye Hallema, nous avons conclu un programme d’impact de trois ans avec des partenaires dans les domaines de l’éducation, de la santé mentale et de la recherche. Ensemble, nous développons une boîte à outils qui aide les enseignants à mettre en œuvre la réalité virtuelle de manière sûre et significative en classe, en particulier autour de thèmes tels que la perte, le deuil et la santé mentale.



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