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XR Magazine (FR)

Interview

“Je veux créer des œuvres où le corps devient terrain de doute, la perception un jeu de vertiges, et la peur une matière à penser”- Adelin Schweitzer (LE TEST SUTHERLAND)

2025-10-30

Mathieu Gayet

Depuis plus de vingt ans, Adelin Schweitzer creuse un sillon singulier dans le paysage des arts immersifs et performatifs. Fondateur des laboratoires deletere à Marseille (voir notre précédente interview), il s’attache à détourner la technologie de ses usages attendus pour en faire un espace critique et poétique. Son œuvre la plus récente, LE TEST SUTHERLAND, présentée au L.E.V. Matadero 2025, pousse encore plus loin cette démarche radicale : une expérience où l’on apprend à “voir moins pour percevoir davantage”.

LE TEST SUTHERLAND, une genèse

Adelin Schweitzer raconte volontiers combien ce projet a été une épreuve de persévérance. Quatre années de travail, de recherche, de doutes, et un parcours de production semé d’embûches. “Le CNC m’a refusé l’aide parce qu’il n’y avait pas d’image dans le projet. C’est presque comique : on parle d’une œuvre qui questionne justement la place de l’image dans nos vies.” L’artiste sourit en évoquant cette contradiction, conscient que son approche ne rentre jamais dans les cadres habituels. “Je ne fais ni du cinéma, ni du théâtre, ni de la VR telle qu’on la conçoit dans l’industrie. Forcément, ça déroute. Mais c’est aussi ce qui m’intéresse : travailler à la marge, là où les choses ne sont pas encore nommées.”

LE TEST SUTHERLAND est né d’un désir d’inverser le rapport habituel entre vision et perception. Plutôt que d’offrir au spectateur un flot d’images, l’artiste a choisi de lui retirer la vue. “On est dans une époque où tout passe par la vision, où tout doit être montré, capturé, archivé. J’ai voulu créer un espace où on puisse exister autrement, sans le regard comme repère central.” Le dispositif est simple en apparence : seize participants, un casque nommé BUD (le Black Up Display) qui limite la vision, et un protocole de privation sensorielle. Mais derrière cette simplicité se cache une mécanique fine, presque rituelle, où chaque spectateur devient acteur d’un ensemble collectif. “En dessous de huit personnes, ça ne fonctionne pas. Ce n’est plus un groupe, c’est une juxtaposition d’individus. À seize, une tension se crée, une forme de densité qui change la perception. C’est là que le rituel prend corps.

Une proposition de réalité alternée

La deuxième partie de l’expérience se déroule dans un silence pesant, rythmé par les instructions des comédiens, les gestes des participants et leurrespirations. Ils avancent à tâtons, se touchent, se frôlent, parfois se perdent. Progressivement, l’absence d’image ouvre d’autres canaux sensoriels : le toucher, l’écoute, l’imaginaire. “Ce que j’aime, c’est le moment où le cerveau bascule. Quand les gens enlèvent le casque, certains croient vraiment être devenus aveugles. C’est une confusion magnifique, parce qu’elle montre à quel point la vision nous domine. En la supprimant, on retrouve une forme de présence brute.”

La performance est encadrée par le VESM, une organisation transdisciplinaire dédiée aux technologies de transcendance, invention de l’artiste. “J’aime créer des contextes. Le VESM, c’est un prétexte pour brouiller les pistes. On ne sait pas si on assiste à une performance, à une démonstration high tech de startup ou à un rituel initiatique. C’est cette ambiguïté qui rend l’expérience active : les gens se demandent sans arrêt ce qu’ils vivent.” Sous ses airs de protocole high-tech, LE TEST SUTHERLAND agit en réalité comme une cérémonie de désapprentissage. Le public se détache du monde saturé d’images pour revenir à une perception plus organique, plus lente, plus fragile.

Un usage de la technologie hybride

“Je détourne la technologie pour la retourner contre elle-même”, dit-il avec un rire calme. “Ce que je fais, ce sont des manuels d’autodéfense face à la saturation numérique. On a perdu le lien avec nos sens. L’industrie XR adore parler d’innovation, de métavers, de productivité. Moi, je parle de corps, de contact, de vulnérabilité. Ce n’est pas très vendeur, mais c’est plus vrai.” L’artiste revendique cette posture de résistance douce : utiliser les outils du futur pour réapprendre à être présent.

LE TEST SUTHERLAND n’est pas seulement une performance, c’est une mise en situation physique. “Quand tu es privé de la vue, tu es obligé de t’appuyer sur les autres. Ça crée une solidarité étrange, presque animale. On sent le groupe respirer. Ce n’est pas une expérience individuelle comme la plupart des projets VR : c’est un dispositif collectif où chacun dépend de l’autre. C’est de la réalité augmentée au sens littéral : la présence des autres augmente ton rapport au monde.”

LE TEST SUTHERLAND @ L.E.V. Matadero 2025

À Madrid, la réception a dépassé ses attentes. “Le public a tout de suite compris le propos. Il n’y avait rien à expliquer. Ils sont sortis bouleversés, certains en larmes, d’autres en riant nerveusement. Ce qui est fort, c’est que tout le monde a vécu la même chose, mais chacun à sa manière. Il n’y avait pas de discours à retenir, juste une expérience à traverser.” Pour Adelin Schweitzer, cette clarté du message sans médiation est une victoire. “Quand les gens ressentent avant de comprendre, c’est que le travail est juste.”

L’artiste reste lucide sur les conditions de création en France. “Dès que tu n’entre pas dans une case – théâtre, cinéma, arts numériques – tu deviens invisible. LE TEST SUTHERLAND a mis du temps à exister parce qu’il n’était ‘ni tout à fait VR, ni tout à fait une performance’. Mais peu à peu, les lignes bougent. La DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur nous a soutenus (via le dispositif aides déconcentrées au spectacle vivant, ADSV), et on travaille maintenant à faire reconnaître les laboratoires deletere comme une compagnie à part entière, à la fois scénique et immersive.” Il ne s’agit pas, pour lui, d’un combat contre les institutions, mais d’une quête de reconnaissance pour des formes nouvelles. “Il faut arrêter de cloisonner. L’hybridité, c’est notre réalité. C’est dans les interstices que naissent les formes les plus vivantes.”

Dans sa vision, la technologie n’est jamais un but, mais un outil au service d’une expérience humaine. “Je ne crois pas à l’idée d’évasion qu’on vend souvent avec la VR. Ce n’est pas un outil pour fuir le monde, mais pour le regarder autrement. Je veux que les gens ressortent de mes œuvres plus conscients d’eux-mêmes et des autres, pas plus déconnectés.” Le spectateur, chez Schweitzer, est toujours au centre. “C’est ma matière première. Quand je conçois une œuvre, je pense à la manière dont le corps du spectateur va s’y engager. Je créais des situations qui ne se contentent pas de raconter quelque chose, mais qui le font vivre.”

Construire des expériences collectives nouvelle génération

LE TEST SUTHERLAND s’inscrit dans une continuité logique avec ses précédents projets, comme #ALPHALOOP ou ALTERED STATE, tout en marquant une étape plus radicale. “Ce projet a été un tournant. Il m’a permis de comprendre que j’étais prêt à aller encore plus loin dans la dépense physique, dans la lenteur, dans la fragilité assumée. Je crois qu’on touche à une maturité du geste.” L’expérience du public, la réaction à Madrid, et l’énergie collective autour du projet ont redonné à l’artiste le goût du risque. “Je n’ai plus envie de me protéger. Je veux continuer à faire des œuvres qui mettent en jeu le corps, la perception, la peur, le doute. C’est ça, le vrai terrain de la recherche artistique.”

Aujourd’hui, Adelin Schweitzer travaille déjà sur deux nouveaux projets. “Il y a ALTERED STATES, une expérience XR collective entre rêve, code et perception, où l’espace réagit aux présences humaines., et DISNOV_XR_2000 – JE SUIS SI // SILICON VALLEY, un seul en scène où la performeuse, perdue entre keynote et crise mystique, affronte les fantômes de l’idéologie californienne. 

Je continue à creuser cette idée que la technologie n’est pas mauvaise en soi, mais que c’est la manière dont on l’intègre dans nos vies qui la rend toxique ou libératrice.” Ces œuvres prolongent la réflexion de LE TEST SUTHERLAND, en la déplaçant vers d’autres formes, d’autres contextes. “Je crois qu’on a besoin d’artistes qui ralentissent le rythme, qui questionnent nos réflexes, nos automatismes. C’est ma manière de militer : faire de l’art un espace d’expérience partagée, pas de consommation.”

Lorsqu’on lui demande ce que cette aventure lui a appris, Adelin Schweitzer marque un silence, puis sourit. “Voir moins, c’est percevoir davantage. C’est devenu ma devise. Pour retrouver le réel, il faut parfois fermer les yeux. On passe nos journées à scruter des écrans, à chercher des signaux. Moi, je propose qu’on les éteigne un instant. Juste pour voir ce qu’il reste.”

Prochaine session pour le TEST SUTHERLAND, à la Comédie de Reims au printemps 2026.

In this article


LE TEST SUTHERLAND

Publication:

octobre 30, 2025

Author:


Mathieu Gayet
XR Magazine (FR)

–

Interview

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