Oeuvre au succès de prestige en 2024 (une multitude de sélections en festivals et de prix, dont Venise, Genève ou encore aux XRMust Awards), OTO’S PLANET a aussi connu une sortie sur les stores avant la fin de l’année. Désormais accessible à tous, cette production francophone (Luxembourg, Canada, France) est un pari réussi d’interactivité à la fois pertinente et toujours au service de l’histoire. Retour, entre le Luxembourg et le Canada, sur sa conception avec le créateur Gwenael François, et les producteurs Julien Becker (Skill Lab au Luxembourg) et Nicolas S. Roy (Dpt. à Montréal). Part 2.
Retour sur notre première interview autour du projet : “OTO’S PLANET is an interactive work that reflects on the absurdity of our contemporary society” – Gwenael François, Julien Becker (Skill Lab)
Marcher en rond, ce n’est pas évident
G. F. – En termes de mise en scène, on a vu les moments où ça pouvait poser des soucis, par rapport au cheminement, par rapport au temps que peut prendre chaque séquence. Il peut y avoir des longueurs, finalement, lorsqu’un personnage passe d’un point A à un point B et que ce point B est assez loin ! Il ne faut pas ennuyer le spectateur, c’est un premier enjeu. Et techniquement, on s’est retrouvé avec une deuxième difficulté au moment du tournage de la motion capture, qui est la phase de saisie de mouvements des personnages. On n’a pas capturé sur une planète ronde, mais à plat. Il fallait ensuite mapper ça sur une sphère. Du coup l’enjeu n’était pas simple techniquement. Zeilt, en charge de la motion capture, ont dû travailler dans le code pour que cela puisse fonctionner en volume, et que le personnage puisse quand même se retrouver au bon endroit. Lors du tournage, nous avons dû tracer des points au sol pour estimer les trajectoires et les points d’arrivées, avec des premiers résultats qui étaient peu évidents. Quand tu as l’impression que tu vas aller tout droit, il ne faut pas que tu ailles tout droit. Tu fais une grande courbe pour arriver au point. Et tu ne comprends pas, mais c’est comme ça. Il y a eu des petites surprises, mais ça a été plutôt bien relevé par les équipes techniques.

N. S. R. – C’est évident que la motion capture a apporté son lot de challenge. Je ne sais même plus à quel stade nous nous sommes rendus compte qu’on devait mapper les personnages sur une petite sphère, mais qu’on allait faire la capture de mouvements à plat. Ça apportait certains éléments de complexité. Il y a aussi eu au même moment des décisions pour simplifier le processus, qui modifiait ensuite des décisions qui avaient été prises au niveau de l’intégration dans Unity. C’est normal dans chaque projet de préciser ces détails, de réagir aux surprises. La motion capture n’est pas si simple !
Lier l’interactivité et l’histoire, le pari réussi d’OTO’S PLANET
G. F. – L’interactivité a été un défi, et nous savions que ce serait l’un des enjeux majeurs de la production de trouver un équilibre entre les deux. Pour moi, le réalisateur, c’est surtout se poser la question du point de vue. Et le fait de laisser le spectateur se promener, choisir son angle, c’est ça qui est marrant. En plus sur deux personnages, donc une possibilité de choix, il y a quelque chose de très drôle à réfléchir en termes de liberté.
G. F. – L’idée, par exemple, de bouger la planète à l’endroit où tu le souhaites, c’est plus un raccourci technique, un confort pour l’utilisateur pour être certain que ça s’adapte à toutes les conditions. On ne sait pas où sont les gens quand ils vont faire l’expérience, et on veut leur permettre de lever la planète, la descendre, la mettre là où ils veulent. Donc c’était plus un objectif user friendly, et pas forcément lié à la narration ou à une recherche de placement du spectateur. Mais on est très contents du résultat et de la possibilité offerte. C’est très élégant, et bien sûr ça vient des équipes de Dpt.

N. S. R. – A l’origine, du moins pour le prototype, le contrôle sur la planète était beaucoup plus limité, parce que ce qui permettait de tourner la planète, c’était certains rochers. D’un point de vue UX, c’était un peu plus compliqué. Il fallait expliquer aux utilisateurs, vous pouvez mettre votre main ici pour tourner la planète, puis ça devenait quelque chose de très optionnel. Bref, c’était un peu plus lourd. Puis, en commençant à travailler avec les nouveaux casques, Meta Quest 3 et Apple Vision Pro, on a réalisé qu’il y aurait des façons plus simples, en fait, de permettre de se déplacer autour de la planète. Cela a eu un impact sur l’expérience. Au début, les gens avaient plus tendance à se promener autour de la planète, plutôt que de la faire tourner et de changer le point de vue.
N. S. R. – Et à travers l’expérience, il y a plusieurs interactions possibles, comme le fait de donner un fruit à Oto – ce qui va déclencher une étape dans l’histoire. C’est très différent du fait de changer son point de vue, ce qui est effectivement très interactif mais n’a pas d’impact sur le scénario en tant que tel. C’est une interactivité qui est intrinsèque à l’expérience. C’est très différent de ce qu’on a l’habitude de voir en VR, parce que normalement les utilisateurs peuvent se tourner, se déplacer dans une scène. Mais pouvoir contrôler l’ensemble de l’expérience, c’est quelque chose qui est assez nouveau et adopté de façon très intuitive par les spectateurs.
N. S. R. – Le décor nous offre l’occasion de proposer cette navigation intuitive, mais nous avons fait plusieurs tests pour déterminer la meilleure façon de contrôler ce mouvement. Une des choses qu’on a réalisé, c’est que prendre quelque chose qui n’existe pas (comme un élément de décor pour faire pivoter la planète), en fait était très peu intuitif. C’est essayer de se raccrocher au vide. Alors qu’en utilisant ses doigts, on a tout de suite un feedback haptique. D’un point de vue utilisateur, cette action-là est beaucoup plus intuitive que d’essayer de tenir un objet virtuel.

Produire pour les casques dernières générations
N. S. R. – Au démarrage du projet, nous étions sur Quest 1 ! On utilisait des manettes pour le prototype. Ensuite, on a pu travailler avec le Quest 2 puis le Quest 3 pour le projet en production, ce qui nous a permis de développer tout le hand tracking, la gestuelle. Et puis, avec le Vision Pro, il a fallu nous poser la question de la réalité mixte.
N. S. R. – Proposer une version pour l’Apple Vision Pro, c’est avec un certain opportunisme – y proposer une des premières expériences interactives narratives – et vouloir tester les possibilités de ce nouveau casque. On voulait aussi avoir la possibilité de collaborer avec Apple pour comprendre ce qu’ils veulent faire avec ce casque. Il a fallu travailler avec des versions bêta de Unity développées en collaboration avec Apple. Il a fallu faire des ajustements sur l’animation, sur les shaders, pour que ça fonctionne. Si normalement avec Unity on peut sortir plusieurs versions d’un même projet sans trop de difficulté, sur ce coup ci ce sont bien 2 versions produites d’OTO’S PLANET pour les 2 casques.
G. F. – Le plus gros challenge était clairement du côté de Dpt. pour adapter le projet au Vision Pro. J’étais très excité par l’arrivée du casque d’Apple, et c’est une vraie réussite d’y être présent rapidement, parmi les premiers. La qualité visuelle est incomparable, même si le casque coûte très cher. Ça donne aux détails de l’expérience une nouvelle dimension, et c’est un vrai plaisir à regarder.

N. S. R. – Au-delà des contraintes techniques, ce qui est intéressant avec le fait de l’adapter pour le Vision Pro, et aussi de faire une version de réalité mixte pour Quest 3, c’est qu’à l’origine on devait uniquement en réalité virtuelle. Mais, assez naturellement, c’est une histoire à 360 degrés qui s’adapte assez bien à la MR avec son côté “petit monde” comme le Petit Prince. L’expérience se passe devant nous, elle est au centre de la pièce. Contrairement à la VR qui immerge, ici on invite l’univers et ses personnages chez soi. Ça donne vraiment une autre perspective sur le contexte du projet.
J. B. – C’est sûr que l’adapter en réalité mixte semblait très naturel, là où il y a eu plus de questions pour le passer de flat à VR initialement. Je serais curieux de savoir comment les gens le ressentent, maintenant que le cycle des festivals (où il était présenté en VR) est terminé.
OTO’S PLANET, la suite ?
G. F. – Pour la suite, nous avons d’autres projets, qui n’ont pas le même format. Évidemment, on se dit que ça pourrait être très marrant d’avoir l’histoire des autres personnages. J’aimerais bien savoir ce qui se passait avant avec Exo. Cela peut être très marrant d’aller fouiller un peu en se disant c’est quoi Exo’s Planet, par exemple ? Ou d’autres idées de planètes un peu folles…
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