Bien que la plupart des festivals soient revenus en personne depuis un certain temps déjà, cette dernière édition de Tribeca fut ma première expérience en personne à un festival XR depuis 2020. Surtout, c’était aussi la première fois que j’assistais à un événement en tant que programmateur, ayant récemment pris en charge la programmation immersive du Festival du Nouveau Cinéma. Et bien que je sois allé à New York dans l’espoir de trouver de nouvelles œuvres pour mon propre festival, j’ai également eu la chance de rencontrer de nouvelles personnes et d’avoir des discussions stimulantes en cours de route.
Dans ce qui suit, je veux accomplir trois choses. Tout d’abord, je veux partager quelques réflexions sur les expériences incroyables que j’ai eu la chance de voir à Tribeca Immersive 2023. Deuxièmement, je veux dire quelques mots sur un débat que j’ai eu pendant l’événement concernant l’état des médias immersifs. Enfin, je veux aborder la question de la distribution XR; dans les festivals et au-delà!
Un programme sélectif
J’ai été aussi surpris que plusieurs d’entre vous quand j’ai appris que la sélection immersive de Tribeca ne comprendrait que treize projets cette année. Cependant, j’ai été tout aussi rapidement ravi de la variété et de la qualité des projets qu’Ana Brzezińska a sélectionnés pour ce programme hautement sélectif.
Lauréat du prix New Voices pour 2023, Meneath traduit le style d’animation multimédia de Terril Calder à travers ce que nous pourrions appeler une réalité augmentée analogique. L’installation — une structure de la taille d’une borne d’arcade rappelant un théâtre de marionnettes — utilise une sorte de séparateur de faisceaux pour présenter trois vues distinctes qui se fondent les unes dans les autres pour montrer un personnage déchiré entre deux systèmes de valeurs opposés. Tout comme Ceci n’est pas une cérémonie, que l’Office national du film du Canada a présenté à Tribeca l’an dernier, Meneath raconte une histoire importante (quoique difficile), surtout dans le contexte actuel de réconciliation; au Canada et partout dans le monde.
Parmi les autres projets dignes de mention, citons Over the Rainbow et Reimagined Volume II: Mahal. Le premier nous vient du réalisateur Craig Quintero (All That Remains) qui continue d’explorer ce que la réalité virtuelle à 360 ° a à offrir. Dans un océan d’expériences interactives 6DoF, le travail que Quintero a réalisé avec l’aide de Funique à Taïwan montre qu’il peut aussi être intéressant de restreindre l’agentivité du public, d’orchestrer soigneusement quelles informations sont accessibles à tout instant et de jouer avec les différents espaces mis en œuvre dans les médias immersifs.
Pour sa part, Mahal est le deuxième épisode de Reimagined, une série animée qui revisite des mythes de différentes cultures, le tout du point de vue de protagonistes féminines. Plus précisément, Mahal offre une charmante incursion dans la mythologie philippine. Il a également le mérite d’être le premier film de la productrice de la série, Michaela Ternasky-Holland. Le projet est un parfait exemple de ce à quoi l’animation en réalité virtuelle peut ressembler. Ne vous étonnez pas si vous le voyez présenté dans de nombreux festivals dans les mois à venir.
Une variété inégalée
Un aspect notable qui me frappe dans la sélection immersive de Tribeca de cette année est la grande variété des types d’expériences que l’on pouvait voir. Pixel Ripped 1978 est un jeu vidéo; deux jeux vidéo en fait! Fortune est une série de filtres en réalité augmentée pour Snapchat et Instagram. In Search of Time est un court métrage qui utilise des outils d’intelligence artificielle pour jouer avec l’idée de mémoire. The Fury utilise à la fois la vidéo à 360° et une installation vidéo à deux canaux. Monstrorama exploite les capacités de passthrough du Meta Quest Pro pour donner vie à son histoire animée. Emojiii est une expérience collaborative en direct organisée par The Smartphone Orchestra. En d’autres termes, le terme « immersif » recouvre encore un large éventail de médias, chacun avec ses propres affordances.
Cela ne doit pas être considéré comme une critique! Mon commentaire vise plutôt à reconnaître que les « médias immersifs » sont encore un ensemble fracturé. C’est ce que je voulais dire quand j’ai mentionné à Kent Bye (dans une prochaine interview de son balado Voices of VR) que nous sommes encore en pleine phase d’émergence de ce qui pourrait un jour devenir un médium immersif singulier (XR, VR, AR, spatial, etc.). Ce n’est pas la première fois que je propose cette idée et d’autres avançaient déjà un argument similaire des années avant moi. Or, je pense que c’est une discussion qui continuera d’être nécessaire pour les années à venir. Du moins jusqu’au moment où nous aurons le recul historique nécessaire pour reconnaître le type de changement de paradigme qui aura été nécessaire pour provoquer la naissance d’un médium singulier.
Durée limitée
Malheureusement, une chose qui ne change pas à chaque nouvelle édition d’un festival immersif est le fait que de nombreuses expériences d’un programme donné verront très peu ou pas de distribution par la suite. Ne vous méprenez pas: des distributeurs étaient présents pour découvrir de nouveaux projets et je sais pertinemment que des LBE apporteront certains de ces treize projets dans d’autres pays. Cela étant dit, la distribution demeure à ce jour un obstacle face auquel nous n’avons pas encore trouvé de solution adéquate.
Une expérience comme Noire — qui raconte l’histoire de Claudette Colvin, une figure moins connue du mouvement des droits civiques américains — mérite d’être vue par quiconque s’intéresse aux droits humains et aux enjeux de racisme qui persistent à ce jour. Cependant, il s’agit d’une installation massive, actuellement exposée au Centre Pompidou, dont une version plus petite a été montrée à Tribeca, laquelle ne pouvait accueillir que trois personnes à la fois. Comment pouvons-nous concilier la nécessité que cette expérience soit vue par plus de personnes et le casse-tête logistique d’amener une telle installation dans des villes du monde entier, sans parler de faire entrer cette histoire dans les foyers des gens?
Un modèle que je souhaite personnellement étudier plus sérieusement dans un avenir rapproché est celui avec lequel l’ONF expérimente, notamment avec Ceci n’est pas une cérémonie. Après Tribeca l’an dernier, le projet a fait le tour du Canada, y compris dans des bibliothèques et d’autres espaces publics. Plus récemment, l’ONF s’est associé à imagineNATIVE pour amener l’expérience dans diverses communautés autochtones qui, autrement, n’auraient peut-être pas la chance de voir ce genre de production. Nous aborderons cet exemple lors du Forum MUTEK, dans le cadre de la table ronde « Au-delà du casque : stratégies et circuits de distribution pour la XR ».
Un autre modèle qui mérite une plus grande attention est celui de la « campagne d’impact ». Un bon exemple de cette approche est On the Morning You Wake (to the End of the World), l’étude de cas centrale d’un livre blanc récemment publié. Michaela Ternasky-Holland, qui a cosigné l’étude en tant que productrice d’impact pour XR for Change, fait valoir un point crucial lorsqu’elle décrit une campagne d’impact « comme une stratégie de mobilisation plutôt qu’une stratégie de distribution. En d’autres termes, l’un des principaux points à retenir de ce cadre de pensée est qu’il ne s’agit plus de distribuer un projet donné aux masses, mais de construire une « stratégie de distribution intentionnelle et coordonnée pour un projet centrée sur un sujet ou un problème et engageant des publics ciblés pour atteindre des objectifs d’impact social ». Je pense qu’une plus grande partie de l’industrie pourrait apprendre de ce genre d’approche ciblée.
Je peux déjà imaginer que beaucoup d’entre vous soulèveront la question des moyens: les ressources, le temps et, évidemment, l’argent nécessaire pour soutenir ces deux premiers enjeux. S’il est vrai que quelqu’un doit payer pour les stratégies de distribution plus ciblées que je décris ci-dessus, et bien que je concède que la plupart des studios préféreraient probablement investir de tels fonds ailleurs, le fait est que des structures ont commencé à émerger ces dernières années qui peuvent offrir le type de soutien que je préconise.
Par exemple, TAICCA est à l’avant-garde de l’industrie depuis un certain temps déjà, aidant les créateurs immersifs taïwanais à briller sur la scène mondiale. Ils faisaient notamment partie de la raison pour laquelle Noire pouvait être amené aux États-Unis.
Ils restent, à mon avis, un modèle de la façon dont les organisations culturelles peuvent soutenir notre industrie créative.
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