L’artiste numérique français Arnaud Laffond prépare actuellement son nouveau projet, GROTTE, pour la réalité virtuelle. Après le GIFF à Genève fin 2022, prochain arrêt au Festival international du film d’animation d’Annecy. Une occasion pour nous de revenir sur les raisons d’explorer ce format immersif, de discuter de sa résidence au Campus Biotech en Suisse et des tournages en pleine période Covid dans une vraie grotte à côté de Lyon.
Arnaud Laffond est un artiste numérique basé à Lyon. Il explore divers aspects de l’art digital et de la vidéo. Son travail se caractérise par la création d’environnements virtuels et de matériaux générés par ordinateur.
Les œuvres d’Arnaud se situent à la frontière de la science-fiction, de l’abstraction, de l’utopie, de l’architecture et du paysage. L’artiste participe à des expositions et festivals internationaux. Cet été, Arnaud présente son premier projet en réalité virtuelle, intitulé “GROTTE”.
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour le projet GROTTE ?
Pendant le premier confinement, au printemps 2020, tous les trois jours je tournais chez moi des courtes vidéos. C’était comme un carnet de bord qui enregistrait mes réflexions sur la vie dans le monde numérique et des problèmes quotidiens plus réels, comme le port des masques et l’interdiction de déplacements.
Comme résultat, j’avais créé 20 vidéos, qui durent chacune entre une et quinze minutes. Et après un montage, une série STAY HOME avec le chronométrage de 30 minutes a été réalisée. Grâce à elle, j’ai été nommé par La SCAM (Société civile des auteurs multimédia) pour le Prix de L’Œuvre expérimentale 2021. La série, elle-même, a été présentée à de nombreux festivals, y compris VIVO Media Art, Supernova Denver Digerati International Limestone Coast Video Art Festival, Fenster Projekt.
GROTTE en VR a été le prolongement logique de STAY HOME, étant également une réflexion de mon état psychologique lors de la première période de quarantaine. Au cours de ces quelques mois, je sentais qu’il y avait quelque chose qui avait changé en moi et que je voulais exprimer. Et au bout de l’isolement forcé pendant 50 jours, beaucoup de gens se sentaient enfermés dans le même sentiment. C’est toujours le cas quand je reviens dans mon appartement à Lyon : ces pensées et réflexions reviennent assez rapidement, avec un souvenir certes un peu plus diffus.
Direction le Campus Biotech en Suisse
Le Campus Biotech est un centre de recherche suisse spécialisé en neurosciences, neurotechnologies, santé numérique et santé globale. Cet établissement accueille également une résidence artistique.
J’ai toujours été très intéressé par tout ce qui a trait aux nouvelles technologies. Je crée depuis plusieurs années des installations en 3D et j’ai commencé à explorer la réalité virtuelle. De plus, plusieurs personnes de ma famille sont liées au secteur médical : ma mère est psychologue et ma tante travaille avec les personnes handicapées. Donc, avant l’élaboration de GROTTE, j’avais déjà récolté des connaissances scientifiques qui sont à la base de mes recherches. Par une amie qui a participé précédemment à cette résidence suisse, j’ai eu de bons échos et j’ai postulé pour compléter mon temps de développement sur le projet.
Dans la section spéciale Arts et Sciences, j’ai été sélectionné en 2022, avec la danseuse américaine Kathleen Heil et Magdalena Stanova, artiste slovaque qui travaillait sur son livre. Nous sommes restés dans la résidence pendant trois mois, c’était une expérience folle et très enrichissante. Le Campus Biotech est une plateforme internationale, à 360 degrés sur les sciences, y compris dans l’exploration de la data. Ainsi, j’ai eu une occasion de récupérer des données importantes pour mon projet, prises avec les scanners et les IRM installés dans le centre. En outre, les résidents du Campus avaient l’accès à des bibliothèques, où j’étudiais des archives liées à mon projet sur l’isolation et à la philosophie des neurosciences. C’était un programme extrêmement enrichissant, avec des rencontres que je n’aurais jamais cru pouvoir faire.
La fin de la résidence a créé un peu de frustration, car la plupart des psychologues et des psychanalystes sur place ont leur propre travaux à accomplir. J’ai reçu la plupart des informations utiles sur la fin de la résidence, qui a été une période par conséquence assez intense ! Mais la qualité des échanges et des informations étaient particulièrement pertinente, notamment sur l’interprétation des sentiments exprimés.
J’ai travaillé avec des spécialistes en data science qui m’ont montré des travaux précédents sur le même secteur.
Il y avait également une équipe interne spécialisée sur la VR. Je pouvais leur parler des détails techniques de GROTTE chaque semaine. En fait, cette équipe et le Campus Biotech en général travaillent déjà beaucoup avec des personnes avec handicap et des personnes âgées. Grâce à cela, ils ont du matériel riche et mis à jour, avec les résultats d’expériences rares, notamment sur la captation d’objets en réalité virtuelle, quelle est l’activité du cerveau lors d’une expérience XR, etc.Le Campus aussi soutenait les artistes à travers leur propre network. Flux Laboratory, qui fait partie du centre, m’a partagé des contacts utiles à Genève et des recommandations sur la scénographie.
Tournage de GROTTE… dans une grotte ?
Afin de naturellement créer l’ambiance du projet, je suis allé aux Grottes de la Balme, qui est à une demi-heure de Lyon. La production a duré une journée entière, environ 10 heures, avec toute une équipe.
J’ai notamment travaillé avec un photographe, qui prenait des images macro de matières, pour que je puisse les utiliser dans la création des décors en 3D. Ensuite, un technicien qui utilisait la technologie Pharos. Elle se sert pour scanner des grands objets, comme des bâtiments ou bien des grottes. C’est un outil posé sur un trépied et qui tourne sur 360 degrés très rapidement, et puis calcule la taille et les spécifiés visuelles de l’espace. Finalement, un preneur de son a également participé à notre aventure.
Pitch du GROTTE au MIFA d’Annecy
J’ai eu des retours positifs de la part de plusieurs festivals internationaux spécialisés en art et sciences, comme la Biennale Nemo, Zkm, BFI, , Filmmaker Fest, Mix Brazil et Kaohsiung. Pour terminer la création du projet, je déposerai le dossier auprès du CNC afin de demander des subventions complémentaires pour cette année. GROTTE a un budget important, compte tenu l’élaboration d’un grand nombre des éléments techniques et artistiques : décors internes dans l’espace immersif, système de narration, modèles 3D qui sont très lourds, scénographie, musique. L’expérience finale va durer au minimum 15 minutes, pour que l’utilisateur puisse entièrement se plonger dans l’ambiance et se perde dans cette grotte virtuelle.
Envisager d’autres travaux en VR
Un projet en VR c’est un parcours du combattant, car la XR est plus compliqué techniquement et financièrement que les autres formats numériques. Donc tout d’abord, il faut voir comment GROTTE marchera, le projet n’est pas encore fini.
Pourtant, j’avoue que la réalité virtuelle est un super outil pour créer de l’animation. J’ai déjà d’autres idées et j’ai même déjà commencé l’écriture. L’exploration du monde XR donne très envie. Mais je me dis qu’il faut être patient !
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