Nouveau rendez-vous à Arles, Octobre Numérique s’empare des sujets tendances que sont les Clean NFT, les métavers et la production virtuelle pour en faire un premier bilan. Quand les technologies du jeu vidéo s’immiscent dans le monde artistique : nous en avons discuté avec Fabien Siouffi, son directeur artistique et cofondateur de l’association Faire Monde, qui programme et organise l’événement en partenariat avec les collectivités locales du Pays d’Arles..
Fondateur du studio Fabbula, Fabien et son équipe sont également programmateurs (Les Ailleurs, Palais Augmenté, VR Arles…), et représentent en France plusieurs artistes digitaux et immersifs – comme Mélodie Mousset et le collectif Marshmallow Laser Feast.
Cover: THE LIFE GAME EP. 2: BATTLE OF REALITY, Keiken, 2020
Faire Monde présente Octobre Numérique
Fabien Siouffi – Avec Fabbula le début d’année 2021 a accompagné la réouverture des lieux culturels. On sort d’une période très dense ! Nous avons présenté notre nouvel événement Les Ailleurs à la Gaîté lyrique de mai à juillet, Palais Augmenté au Grand Palais éphémère en juin, tout en travaillant sur ce nouveau rendez-vous commissionné par la communauté d’agglomération Arles Crau Camargue Montagnette : Octobre Numérique, pour lequel nous avons fondé une association Faire Monde avec Actes Sud, Chroniques, Extramentale, Fabbula, Fisheye.

F. S. – Octobre Numérique n’a pas vocation à devenir un autre festival XR, car il en existe au final déjà beaucoup (y compris en France). On veut surtout interroger l’arrivée des nouvelles technologies du jeu vidéo dans la création : métavers, temps réel, etc. Et l’un des sujets majeurs, loin du buzz médiatique, c’est le rôle du métavers dans la création. Comment les artistes vont s’en emparer, non pas pour remplacer le réel mais pour l’accompagner, l’étendre, l’enrichir. Et c’est intéressant de les voir en discuter, car ce sont eux qui en explorent non seulement les possibilités sensorielles et oniriques mais aussi les manques et les doutes.
F. S. – Nous pensons qu’il faut s’approprier le métavers (ou metaverse en anglais). C’est un espace qui autorise beaucoup de liberté, beaucoup de possibilités et qu’il est intéressant de montrer et aussi de transmettre. D’ailleurs le digital, surtout à l’heure des crises sanitaires, ne nous fait pas oublier le monde physique, les retrouvailles, le toucher. Pour Octobre Numérique, l’événement principal se déroulera à Arles du 6 au 20 octobre, avec 3 premières journées de conférences et rencontres professionnelles du 6 au 8 Octobre, puis des expositions, master classes et ateliers.
F. S. – Pour les journees d’ouvertures, de nombreux intervenants venu.es.de la tech (Epic Games, Unity), des studios (Ubisoft, Mado XR) et de l’art (LUMA, Centre Pompidou) et même des investisseurs, qui viendront partager leurs visions du métavers et de notre autre thème que sont les Clean NFT (des NFT avec une empreinte carbone minime) et leur articulation à l’art immersif . Il y aura de vrai moments d’échange avec les artistes français et internationaux comme Theo Triantafyllidis, Saradibiza ou Keiken pour comprendre comment les métavers se fabriquent avec ces nouveaux outils que sont les moteurs de jeux vidéo. Et un focus métier le 8/10 pour favoriser la création d’emplois en région sur ces sujets (jeu vidéo, Fortnite, production virtuelle…).

F. S. – On a la chance d’être accueilli par la ville d’Arles, que l’on connaît bien et qui dispose d’une assise culturelle forte. Une partie de notre équipe habite sur place, je la connais moi-même depuis que je suis enfant… Depuis plusieurs années, la culture y est un outil de transformation sociale. L’arrivée de Luma, la continuité des Rencontres d’Arles et de bien d’autres événements font qu’une communauté artistique existe et une vraie volonté de la développer. On accompagne aussi une envie de créer un campus numérique, d’intégrer des studios autour des technologies du 3D temps réel notamment.
Le métavers (metaverse) est-il réel ?
F. S. – Je crois vraiment à l’émergence des mondes virtuels, mais plutôt comme un signe de l’extension du monde (et des codes) du jeu vidéo. J’ai travaillé dans ce secteur pendant 15 ans et j’ai vu les communautés de joueurs, les open worlds (World of Warcraft, Fortnite, Roblox…) qui ont parfois bouleversé le réel. Je pense à toutes celles et ceux qui se rencontrent dans le virtuel, puis se marient pour de bon. J’ai vu des populations entières jouer, comme en Corée du Sud, en Chine… Il y a un vrai aspect social, souvent dans des sociétés où les mœurs sont encore très restreintes par exemple. Mais on l’a vu aussi en Occident avec l’extension de Fortnite ou d’autres communautés à de multiples domaines en dehors du jeu : concerts, défilés de mode, pièces de théâtre, etc . Le jeu vidéo n’oblige plus à suivre une progression ludique mais bien plus de passer du temps dans des espaces virtuels.

F. S. – Et ces habitudes issues du jeu vidéo transpirent sur Internet en affectant notamment les réseaux sociaux qui deviennent incarnés et spatialisés. Je pense que cette tendance va continuer Les confinements dûs à la Covid-19 ont accéléré l’adoption de ces nouveaux usages et avec eux leurs questionnements. La curiosité est là, et pour Octobre Numérique c’est le bon moment de poser les bonnes questions, d’interroger les pratiques et les contextes, en plaçant la création au centre du jeu. Face à ce qui arrive devant nous, il faut anticiper et investir ses espaces et en développer collectivement l’éthique des pratiques.
F. S. – Et pour les créateurs, en particulier les plus jeunes, c’est d’autant plus important d’y jouer un rôle. Ce sont eux qui vont créer les histoires qui vont habiter les mondes virtuels, les faire vivre. Ce qui explique sans doute qu’ils soient déjà présents fortement sur ces questions.
Clean NFT, l’œuf ou la poule ?
F. S. – Je suis curieux à propos des NFT, qui là-aussi viennent de l’adoption de pratiques du jeu vidéo : la vente d’objets virtuels, des pricings dynamiques, l’importance de la communauté, la relation directe entre usager et vendeur, le pilotage par les métriques… Évidemment, il y a de la spéculation, un aspect financier assez exubérant. Mais la question plus large de qui fait valeur d’une œuvre d’art est fascinante, et travaillée en permanence par les acteurs de l’art numérique et désormais des NFT. Quant au Clean NFT, ce sont tous ces nouveaux protocoles et technologies qui rendent l’empreinte carbone des NFT acceptable pour les artistes. La communauté des artistes s’est mobilisée en 2021 pour refuser le gaspillage énergétique de l’Ethereum et des NFT tels qu’ils étaient pratiqués jusqu’alors et ont réussi à imposer une transition rapide vers le Clean NFT. Preuve que leur influence est réelle !
F. S. – Ici notre rôle est de réunir tout le monde pour discuter de cette nouvelle mode, et son articulation avec le métavers qui a besoin d’un modèle économique (souscription, privatisation, audience…). Le 6 Octobre prochain nous avons donc invité des curateurs spécialisés dans l’art numérique comme Pau Waelder, des artistes qui sont pionniers de cette technologie comme le musicien Agoria, Obvious (connus pour leurs tableaux fait par des AI et qui ont atteint des montants importants lors d’enchères chez Christie’s), mais aussi des acteurs du métavers qui travaillent exclusivement à partir de NFT comme The Sandbox ou Decentraland. Une occasion de bien comprendre le phénomène.

F. S. – Le NFT c’est une vraie pratique décentralisée, indépendante, qui peut aider les créateurs. On a besoin d’une standardisation cross-plateforme, d’un mouvement vers la WebXR – Et les NFT sont un accélérateur pour cela, en proposant un business model pour les artistes numériques. Cela reste expérimental, et sans trop de règles, ce qui favorise l’émergence de nouveaux artistes et de nouveaux collectionneurs, etc. Avant ça, être un artiste numérique c’était vraiment compliqué du point de vue financier. On va pousser la discussion sur ce sujet avec Renaissance NFT (lien), qui co-organise cette journée. En espérant donner des idées aux acteurs de l’industrie XR.
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