La 8ème édition du NewImages Festival ouvre ses portes aux professionnels et au grand public ce mercredi 9 avril jusqu’à dimanche. Signe de vitalité de la filière, la dimension marché s’agrandit, diverses œuvres seront à explorer et des conférences laissant une part belle à la réflexion éthique sont proposées. De quoi questionner les messages délivrés à travers des dispositifs au plus près de notre rétine qui bousculent, modifient ou renforcent nos biais cognitifs.
Cover: ALL ABOUT TEACHER LI, by Zhuzmo – XR Competition
L’immersif, un marché en expansion côté industrie
Revenant sur la précédente édition du NewImages Festival,Michèle Ziegler, sa directrice, partage qu’ « en 2024, nous avons observé que des délégations étrangères sont venues en nombre ce qui ne fait que renforcer l’attractivité du festival et sa dimension internationale. ». Signe d’un intérêt grandissant pour les dispositifs immersifs à travers le monde, la part de voix donnée au marché s’est étendue.
Premier changement pour cette année, l’organisation du marché. Ce ne sont plus des matinées qui seront ouvertes aux professionnels de la filière mais des journées entières qui leur permettront de trouver des partenaires créatifs, techniques, financiers ou de diffusion permettant de valoriser des projets qui ne demandent qu’à aller à la rencontre de leurs publics.
Second changement, une ouverture plus large vers le privé avec la présence de galeries et d’autres parties prenantes internationales qui peuvent se positionner en bailleurs de fonds pour soutenir la création. Sur le segment marché, l’équipe est soucieuse de la variété de typologie des décideurs « mais aussi de la région du monde où naissent ces projets » insiste M. Ziegler.
C’est aussi cette ouverture à l’international que l’on retrouve dans les projets retenus pour entrer en résidence. « Nous sommes heureux d’accueillir des représentants du Paraguay, de l’Argentine et du Canada » se réjouit Michèle Ziegler.
Un public de plus en plus gourmand d’explorations
Dans une étude menée par le CNC en juin 2023, les conclusions sont claires. Le taux de pénétration de casques dans les foyers français est passé de 7 à 15% entre 2019 et 2023, l’engouement du public ne se dément pas. 49% des français déclarent avoir expérimenté la VR, c’est donc 7 points de plus qu’en 2019. Si la réalité virtuelle bénéficie d’une notoriété plus forte que le Métavers, ce dernier n’est pas loin derrière et le public ne demande qu’à être convaincu. Les musées et expositions sont un point d’entrée majeur pour ces technologies.

Une technologie c’est bien, un contenu c’est mieux.
Comme le rappelait justement Benoît Bouthinon de Virtual Room lors d’une table ronde à Immersity en mars dernier « le contenu prime et va devenir le driver de notre stratégie ». Une fois passée la simple curiosité d’une nouvelle technologie, il faut fidéliser les utilisateurs et pour cela il faut des contenus variés qui leur parlent.
Et c’est à cette diversité que Michèle Ziegler est attentive, « je ne viens pas de l’audiovisuel et c’est peut-être cela qui m’aide à prendre de la distance vis-à-vis de ce secteur pour aller vers un décloisonnement des champs artistiques ». La culture en France représente une dizaine de champs créatifs. Depuis son origine, NewImages Festival se veut pluridisciplinaire. « Nous sommes convaincus que la porosité entre disciplines est un atout pour la création dans la filière XR » ajoute la directrice.
La dynamique du parcours historico-patrimonial est importante mais il est aussi important de soutenir des contenus originaux. S’il est vrai qu’à NewImages Festival, les gros studios sont présents, les productions indépendantes sont aussi mises en lumière.
Rendre la culture accessible au plus grand nombre
L’ADN du Forum des Images n’a pas été modifié. Née en 1988, sous le nom de Vidéothèque de Paris, lieu de cinéphile, elle offre au public des cycles de projections thématiques pour objet de tisser des liens entre les films, entre les époques et de croiser les points de vue. Au fil des années, cette intention ne s’est pas démentie. De nouveaux corpus de films et formats ont élargi la proposition du lieu, jusqu’à la création, en 2017, de NewImages Festival, le festival de la création numérique et des mondes virtuels, sous la direction artistique de Michael Swierczynski.
Ce grand public circule dans un espace de consommation et peut ralentir pour s’offrir une pause culturelle et réflexive. Car ce ne sont pas moins d’une trentaine d’œuvres (en compétition ou hors compétition) qui seront présentées et accessibles à tout le monde.

Comme pour l’édition précédente, deux conférences seront ouvertes, durant le week-end. Et pour mieux accueillir l’auditoire, « cette fois j’ai souhaité une communication moins anglée réalité virtuelle, technologie, mais plus grand public. Les sujets abordés concernent chacun d’entre nous, ce sont des problématiques sociétales. » souligne M. Ziegler. Pour le moins. Samedi 12 avril, à 17h, il sera question Du code à la conscience: comment comprendre l’IA comme un enjeu de résistance. Et dimanche 13, toujours à 17h, États, milliardaires, sociétés: qui investit dans l’immersif, l’IA et les réseaux sociaux ?. Des panels de qualité trouveront un public en questionnement face aux possibilités multiples de captation de données personnelles et de fils narratifs potentiellement contraints dans une économie conjoncturellement de plus en plus tendue avec des situations parfois quasi monopolistiques faute, notamment, d’alternatives technologiques supportées (à lire sur le sujet : Création XR : peut-on s’émanciper des Big Tech ?).
Une programmation exigeante faite pour pousser à la réflexion et au sens critique
Côté compétition, pas moins de 165 dossiers ont été déposés, 14 ont été retenus. La directrice de l’événement aspire à non plus un prix mais des prix par catégories : « Aujourd’hui entrent en compétition des productions à très gros budgets face à des créateurs indépendants qui se sont souvent auto-financés, chacun ayant des réalisations portées aussi par des technologies différentes. Faire des choix n’est pas toujours simple pour notre comité, aucun des projets ne démérite. Faire des catégories pourrait être une réponse au soin que nous apportons à mettre la diversité en valeur. ».
Concernant le hors compétition, une sélection est réalisée autour d’une thématique. Cette année, il sera question d’altérité. Une question sociétale et politique. Une conférence pour les professionnels aura lieu sur la question sensible : décoloniser la XR. Interroger les biais cognitifs de ceux et celles qui font les productions, qui les commandent ou les diffusent, voilà un challenge intéressant. « La culture est un outil d’émancipation » rappelle Michèle Ziegler.
L’Histoire nous montre combien, à travers les époques, l’effacement culturel ou identitaire est un moyen d’oppression et de contrôle. Comme il y a des consortiums d’organes de presse pour débusquer les fake news, n’est-il pas venu le moment de penser un observatoire sur les messages diffusés dans les contenus immersifs ? Peut-être un travail à renforcer en lien avec l’ARCOM (Autorité de Régulation des Communications audiovisuelles et numériques) ?

Une éducation aux médias immersifs
La culture est un médium puissant ayant vocation à ouvrir les esprits, permettant d’acquérir un sens critique. Une éducation aux médias immersifs pourrait être réfléchie car, comme l’évoque Michèle Ziegler, « lorsque l’on a un casque sur la tête on plonge dans un univers, il y a un fil narratif, des valeurs qui sont portées par l’œuvre dans laquelle nous nous retrouvons ».
Il peut aussi exister une romanisation de moments historiques qui se dégage de manière plus ou moins opportune si le public n’est pas accompagné par une réelle médiation culturelle. Si des institutions portent un soin attentif à la rigueur scientifique, quid de projets qui sont hors circuit ou validation scientifique ? Quelle(s) trace(s) laisseront-ils dans l’esprit du participant immergé dans un flot d’images et de mots ?
Allemande avec une appréciation et une connaissance très fine de la culture française, Michèle Ziegler n’oublie pas qu’une part de la jeunesse allemande se détache de sa propre histoire, notamment de la Shoah. « Une expérience avec un casque peut faciliter la réactivation de la mémoire. Quand nous sommes « à la place » d’une personne emmenée dans un camp, les émotions sont fortes, elle traverse notre corps. Il est plus difficile d’oublier ». A l’inverse, si l’on n’y prend pas garde, des messages scientifiquement erronés, voire révisionnistes pourraient cheminer au fil d’une narration.

L’immersif, on l’a vite dans la peau
Quand on demande à Michèle Ziegler à quoi elle aspire pour NewImages Festival et l’immersif, sa réponse est sans appel : « Avec ou sans moi à sa direction, je rêve que NewImages Festival devienne pour l’art immersif ce que Séries Mania représente pour le secteur des séries ». Séries Mania qui, rappelons-le, a été créé au Forum des Images avant de migrer à Lille.
Informations pratiques :
- NewImages Festival du 9 au 13 avril 2025
- Où trouver le festival avec les accès PMR
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.