Durant l’année Covid les salles de cinéma, les festivals, ont été plusieurs mois à l’arrêt. Mais quelques idées innovantes ont permis de proposer des projections en ligne via des salles virtuelles comme La 25e Heure lancée par Pierre Emmanuel Le Goff, initialement fondateur et producteur au sein de la société éponyme. Une opportunité pour faire vivre le cinéma dans une année sans écran – et qui devrait perdurer !
La 25e Heure, un concept pragmatique
Pierre Emmanuel Le Goff – La Vingt-Cinquième Heure (en lettres) est une société de production dont les activités se sont scindées en deux à l’occasion de la sortie du film 16 LEVERS DE SOLEIL en 2018. Le film suit l’aventure du premier séjour dans l’espace de Thomas Pesquet – plusieurs modules VR y étaient associés par ailleurs. La branche distribution a été créée pour accompagner nos longs métrages (fiction, documentaire..) en salles, nos films VR, nos propositions dôme ou format large, édition DVD/VOD… En février 2020, on avait justement un film qui allait sortir au cinéma et on voit arriver la pandémie. Plutôt que de subir l’événement passivement, on a décidé de déployer un dispositif pour proposer des événements en ligne (multiples ou non).
P. E. Le G. – C’est donc La 25e Heure (en chiffres), que l’on avait en tête depuis un moment en réalité. L’idée était d’hybrider l’événement de sortie au cinéma en proposant une présentation mixte salle/en ligne. C’est d’autant plus pertinent que le film envisagé pour sortir début 2020, LES GRANDS VOISINS LA CITÉ RÊVÉE, était propice aux débats (politique, environnement, social…) et des places étaient déjà vendues! C’est parti de problématiques très concrètes, avant de devenir des salles 100% virtuelles. Mais en partageant les recettes avec les lieux physiques associés.
Aller vers le spectateur avant tout
P. E. Le G. – La 25e Heure, c‘est aussi un esprit de communauté. On a agrégé toujours plus de monde, selon les lieux partenaires. On a mis à disposition l’outil pour d’autres distributeurs. Quelques séances ont eu lieu avec l’Institut Français dans le monde, des ambassades, en Belgique, Luxembourg, en Europe (pour la Nuit du Cinéma). Tout s’est fait rapidement car on avait déjà une expérience dans la VOD avec notre propre plateforme. Et on réfléchissait à un format en ligne avec des échanges, connecter plusieurs salles en simultanée. Notre équipe a travaillé très vite pour répondre au besoin d’une année confinée. Les premières séances étaient des prototypes – et on s’améliore à chaque projection, avec l’aide des professionnels.
P. E. Le G. – On peut voir aujourd’hui qu’il y a un vrai besoin pour les spectateurs “empêchés” – et pas qu’à cause du Covid. Pour les sourds et malentendants, aveugles, les personnes handicapées moteur, etc. Soit presque 12 millions de personnes, si on compte les EHPADs, prisons, les zones sans cinéma au niveau local. On propose donc un dispositif pertinent, y compris avec la réouverture des salles aujourd’hui. Il y a une masse silencieuse de spectateurs qui n’a pas accès à l’offre Art et Essai, aux rencontres avec des équipes. C’est un constat partagé avec les exploitants et les distributeurs.
P. E. Le G. – Certaines salles sont également “empêchées”, n’ont pas accès à certaines avant-premières, équipes, ne peuvent pas programmer certains films, offrir de traductions pour tous les publics. On peut proposer des diffusions uniques ou multiplexées. On a beaucoup appris sur l’année écoulée concernant le réseau des salles existantes, et comment tirer profit du numérique en la matière. Et ça va continuer, en avant-première et en exploitation classique. On veut élargir le public via les séances hybrides, pour renforcer la salle de cinéma : on reste dans sa fenêtre d’exclusivité au regard de la chronologie des médias. Et résister face aux grandes plateformes SVOD.
La 25e Heure au format festival
P. E. Le G. – Pour les festivals, c’est une ouverture vers un public très large. Contrairement à Cannes qui est réservé à quelques happy fews, on veut élargir leur jauge de spectateurs. On peut ainsi assister de chez soi à des séances en exclusivité. Il n’y a aucune crainte à avoir pour le circuit d’exploitation traditionnel, à partir du moment où il s’empare activement de nos outils. Qui plus est l’outil est interactif, avec la possibilité de questions à poser en visio ou via le tchat. L’idée est de donner la parole à tous les spectateurs !
P. E. Le G. – On reste vigilant sur la réouverture des lieux culturels, et travailler avec eux pour construire des séances sur-mesure. Le numérique permet cette adaptation, et travailler par itération. Pour moi le cinéma en salles reste la proposition premium ; le public va y revenir. Pour notre part, on veut les aider à innover.
Continuer à produire pour la VR
P. E. Le G. – La Vingt-Cinquième continue d’explorer les nouveaux formats, mais avec une réflexion sur les enjeux de production notamment pour la VR. Le dernier rapport du SHIFT project (think tank qui œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone – lien) alerte sur la question de l’accroissement des formats tels que 4K, 8K, VR… Les images deviennent de plus en plus lourdes. Il faut réfléchir à des pratiques plus vertueuses en termes d’exploitation et productions de films – ce qui est déjà une dynamique forte pour le cinéma et l’audiovisuel.
P. E. Le G. – L’éco-production est une idée que je défends depuis longtemps. En 2009 j’ai produit ALICE AU PAYS S’ÉMERVEILLE, un court métrage pour lequel nous avions lancé une campagne de financement participatif. On s’était posé la question de la compensation carbone, pour être plus vertueux… Il fallait trouver un calculateur pour ça, hors aucun outil n’existait. Je suis heureux que le sujet soit au cœur des préoccupations du CNC, et j’espère que des financements viendront appuyer ces démarches. Pour la VR, le problème est de trouver l’outil pour faire baisser le poids des images – notamment côté streaming.
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