Andrés Jarach est un auteur au long cours, qui a exploré de nombreux formats et réalise – souvent avec son complice de toujours Gordon – des expériences immersives ou – en solo – des documentaires. Observateur d’une industrie toujours en mouvement, il a repris en 2019 la programmation de la section Smart du FIPADOC à Biarritz, un événement accueillant l’écosystème audiovisuel. A quelques semaines des annonces pour leur édition 2021, retour sur la rencontre entre l’ancien et le nouveau monde.
Update: New dates, 12-17 Juin 2021
FIPADOC : un format Smart relancé
Andrés Jarach – Sauf décision générale contraignante, nous souhaitons voir le FIPADOC se dérouler dans des conditions réelles. Le festival annoncera tout cela le 10 décembre prochain. Le FIPADOC Biarritz (18-24 Janvier) est un rendez-vous qui existe depuis 1987, mais a été repris en 2018 par Anne Georget et Christine Camdessus qui ont insufflé une nouvelle direction pour replacer le festival autour de toutes les formes documentaires. Je les ai rejoint en 2019 pour prendre en main les nouveaux formats, avec la section Smart qui existait déjà. On a notamment souhaité mettre en place une section compétitive, avec une vraie récompense. C’est important de considérer les œuvres “nouvelles écritures” au même niveau que les autres formats plus anciens pour que leurs auteurs soient mieux reconnus – j’avais déjà défendu ce point lorsque je siégeais à la Scam.
A. J. – Au Smart il s’agit avant tout de proposer une section compétitive, mais accessible par le grand public et aux professionnels de l’audiovisuel classique. L’idée a donc été de proposer un vrai best-of des expériences récentes, sans entrer en concurrence avec de grands rendez-vous déjà installés comme l’IDFA à Amsterdam, Sundance, Tribeca… J’opère ma sélection à travers un appel à projets, mais aussi mes propres visionnages. On travaille sur la qualité des œuvres présentées, et leur capacité à toucher un public non initié. Mon objectif final, c’est vraiment la rencontre entre l’audiovisuel et les nouveaux formats. Certains sont évidemment déjà acquis, comme Arte et d’une façon plus “fluctuante” France Télévisions.
A. J. – Nous proposons aussi des rencontres et ateliers, notamment le Smart Lab. Et c’est presque un rendez-vous créé pour les gens qui souhaitent débuter, pas forcément les producteurs experts du numérique ! On y sélectionne vraiment des projets à leurs premiers stades de développement, avec a minima un binôme auteur – producteur.
Travailler le rôle du diffuseur audiovisuel
A. J. – La filière audiovisuelle, côté diffuseurs mais aussi grand nombre de producteurs et réalisateurs, peut avoir encore une vision archaïque de la création numérique. Elle se limite à la web-série la plupart du temps. C’est pour ça que notre travail en festival est important pour les sensibiliser à toutes les possibilités qui peuvent exister. Dans l’accompagnement de notre industrie, Arte a vraiment acquis une maturité sur le sujet, et j’imagine que les récentes nominations vont relancer les choses – notamment après la fermeture de leur application Arte 360.
A. J. – France Télévisions cherche encore une voie – mais la nomination de Jeanne Marchalot va sans doute relancer chez eux de nouvelles pistes et la discussion avec elle est passionnante. On peut aussi tenter des choses avec Slash, évidemment, ou le pôle documentaire de France Télévisions, avec une vraie disponibilité pour expérimenter des formes.
A. J. – En France on a une grande chance de pouvoir être financé par le CNC et par les diffuseurs. Mais la télévision gère avant tout son antenne traditionnelle. Je ne vois pas encore de réelle mutation vers la création numérique – sauf Arte. Il y a des responsables dans les groupes audiovisuels qui tentent évidemment des choses, des experts même, mais ça reste à la marge. On monte aujourd’hui des projets avec les diffuseurs et de nombreuses institutions, cela démontre un vrai intérêt. Mais il faut passer à la diffusion grand public pour assurer à la XR une vie à long terme.
Créer pour un vrai public
A. J. – En tant que créateur j’ai connu plusieurs périodes, notamment l’émergence des web-documentaires dont on pensait à l’époque qu’ils perdureraient. On avait une ambition énorme, de recherche, en oubliant de parler au public.
A. J. – Aujourd’hui je regarde les formats existants sans penser à les révolutionner. Je développe par exemple avec mon complice Gordon et Marie Blondiaux chez Red Corner – et France Télévisions – un projet d’app AR pour les bibliothèques intitulé BIBLIOQUETE. Ce sera une série, dont le premier épisode part d’un auteur jeunesse, Timothée de Fombelle, qui nous raconte ses lectures de jeunesse et à partir de là le public sera invité à retrouver les œuvres citées dans une bibliothèque et faire vivre les personnages en AR. On déploie l’univers de l’auteur, ses propres oeuvres.
A. J. – En XR, il y aura toujours des auteurs locomotives qui cherchent de nouvelles pistes narratives – comme notamment Pierre Zandrowicz, Céline Tricart, Charles Ayats ou Mathias Chelebourg en France – mais pour ma part je souhaite avant tout trouver un moyen de discuter avec le public, et pérenniser les nouvelles formes. C’est aussi mon approche au FIPADOC, en tant que sélectionneur.
A. J. – Je ne veux pas penser au marché qui pourrait exister, car il n’y a pas de règles à proprement parler. Avec Gordon, on réfléchit souvent aux endroits où nous pourrions montrer nos œuvres. BIBLIOQUETE est l’exemple de notre démarche, à la rencontre de notre envie de créer et interroger un public déjà existant. Il ne faut pas qu’on épuise les nouvelles écritures à force de projets innovants qui ne sont pas voués à n’être que des produits de recherche & développement.
Pérenniser le rôle du festival
A. J. – Le rôle d’un festival est essentiel pour aller à la rencontre du public. On a eu la chance d’avoir cette année NewImages, qui a pris une vraie envergure internationale. Il faut saluer de vraies réflexions autour des jurys – comme au FIPADOC par ailleurs – qui sont de plus en plus pertinents, curieux et viennent d’autres industries créatives. C’est un élément important pour créer de vrais retours sur nos sélections, qui existe aussi de plus en plus dans la composition des commissions CNC par exemple (notamment dès 2014 avec la nomination de Céline Sciamma présidente de la commission nouveaux médias). Les films récompensés semblent plus propices à parler au grand public, à mon sens.
A. J. – On voit l’arrivée de nombreux acteurs intéressés par l’innovation et la création : des institutions, des musées (notamment avec le succès des expositions immersives comme POMPÉI, ou la création d’un espace VR au Muséum d’Histoire Naturelle) etc. Très clairement ils se transforment aussi en vrais interlocuteurs du secteur. Avec leurs intérêts, de vrais financements doivent se développer – peut-être avec des guichets internationaux. Dans tout cela, le soutien des diffuseurs reste déterminant.
Plus d’informations concernant le FIPADOC 2021 dès le 10 décembre !
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