Présenté à NewImages 2021, BERLIOZ TRIP AR (DREAM OF A SABBATH NIGHT) est une expérience scénique en réalité augmentée où la musique guide nos pas. Présenté à NewImages 2021, le projet sera proposé en mars au Grenier à Sel (Avignon) avant d’autres dates de tournée entre concerts symphoniques ou présentation immersive pure. Retour sur le projet avec sa co-créatrice Géraldine Aliberti (également fondatrice du studio parisien Sonic Solveig).
Plus d’informations sur le site officiel
Un background musical
Géraldine Aliberti – A l’origine je suis musicologue, en parallèle d’études de lettres. Mon mémoire de fin d’études parlait déjà d’expériences interactives développées en flash à l’époque. En réalité l’histoire de la musique, côté création (et non interprétation), a de nombreux exemples de dispositif interactif avec le public : au 20e siècle notamment John Cage ou Stockhausen ont écrit de la musique aléatoire. Et c’est ce qui m’intéresse réellement : concevoir des expériences interactives en imaginant dès le départ une rencontre avec le public. Le numérique permet de faire ça.
G. A. – BERLIOZ TRIP au départ est une commande de la Philharmonie de Paris pour son ouverture en 2015, sous forme de spectacle sur scène en complément de concerts philharmoniques sur Berlioz. Travailler sur les morceaux de Berlioz, plus précisément, c’est autant une question de réseau professionnel que d’opportunité : ses musiques sont désormais libres de droits.
G. A. – J’ai ensuite eu la chance d’emmener le projet à la Villa Médicis à Rome pour une résidence d’écriture en 2018, puis on l’a joué avec l’orchestre philharmonique de Strasbourg où nous avons enregistré la session avec 18 micros. La Villa Médicis, au-delà de sa notoriété, est un moment important de création. Cela m’a permis de rencontrer des gens en dehors de notre réseau propre, y compris auprès de théâtres en France. En ce moment je finis une autre résidence en création au théâtre de Troyes pour la version seule en scène.
Développer une expérience interactive et augmentée
G. A. – Au départ je souhaitais organiser pendant le spectacle une interaction avec le public où les spectateurs se passeraient une tablette, comme des jumelles pour observer les acteurs avec une réalité augmentée. Et ainsi avoir une double lecture de la création. Il y aurait eu plusieurs niveaux de lecture ; l’image, le son mais aussi le regard de Berlioz lui-même – ce qu’il avait en tête au moment de concevoir le morceau. Je voulais y ajouter aussi une réalité scénique plus fantasmée. Mais cette idée n’a pas abouti.
G. A. – Nous avons conservé le support, la tablette, qui est plus propice à une diffusion facile de l’œuvre. Je viens d’un monde où on souhaite avant tout avoir une rencontre avec le public et organiser une diffusion dans les théâtres ou les opéras. Et la réalité virtuelle nous semblait plus limitée en cela. Par ailleurs, la réalité augmentée reste une possibilité d’interactions ouvertes avec chaque spectateur avec plein d’idées derrière. On a même envisagé une version avec des tatouages éphémères permettant d’entrer dans l’oeuvre de cette manière, en scannant le tatouage sur la peau.
G. A. – Dans BERLIOZ TRIP AR la tablette sert au départ de lanterne magique, de lumière pour explorer l’environnement. Le spectateur est dans une forêt et doit comprendre ce qui l’entoure, voir l’invisible, écouter l’indicible. Et petit à petit, il se familiarise avec tout cela. J’ai travaillé avec Pierre “Pyaré” Friquet sur la réalisation de l’expérience, mais aussi Frédéric Urien du studio brûle. à Lyon. On a compensé l’absence de moyens – le projet n’a pas reçu d’aide du CNC par exemple – par un travail de groupe efficace. Et un résultat qui correspond à nos envies !
G. A. – J’ai également un rôle de médiatrice. Le numérique est un outil fascinant vis-à-vis du public, mais j’y vois aussi la possibilité de retranscrire au mieux la vision de Berlioz et réunir tous les orchestres de Paris. Il voulait proposer un concert de 467 musiciens entre la République et la Bastille, avec le public au milieu ! Le seul exemple d’un dispositif aussi coûteux, c’est au Vatican pour le Pape. Ici la réalité augmentée, c’est le public qui se promène dans le concert tout en changeant sa perception acoustique au fil du concert.
Du 28 février au 18 mars 2022, l’expérience sera découverte par près de 1500 collégiens vauclusiens – au travers d’un parcours interactif construit en étroite collaboration avec les équipes du Grenier à sel et de l’Orchestre National Avignon-Provence. J’en suis particulièrement heureuse car, dès le début, j’ai imaginé ce projet comme un moyen de toucher de nouveaux publics, qui ne vont jamais aux concerts, et de leur faire ressentir des émotions qu’ils n’auraient jamais ressenties en écoutant un disque ou en assistant à une conférence. Et la réalité augmentée en est un vecteur incroyable, de par son interactivité et son inventivité. De même, ce qui différencie ce projet de nombreux autres, c’est qu’il s’est bâti avec l’idée d’agréger d’importants moyens en faveur de la jeunesse : cette innovation de spatialisation acoustique, c’est pour eux que nous l’avons pensée. Pour les divertir et les faire se questionner sur une musique qu’ils n’ont pas l’habitude d’écouter. Aujourd’hui, le public qu’il faut le plus choyer, ce sont les jeunes !
Clément Pierkiel (Sonic Solveig)
Travailler une matière sonore de qualité
G. A. – Il y a un élément fondamental au projet ; avoir pu récupérer un matériel extraordinaire à travers nos spectacles. J’ai ainsi le plaisir de travailler avec de vrais orchestres, et d’avoir obtenu la confiance des musiciens avec qui je travaille. Envisager une œuvre immersive musicale, cela semblait une suite logique tant le son était d’une grande qualité. très pauvres.
G. A. – Le son immersif, ça existe depuis longtemps. Par exemple, une architecture d’église est envisagée pour diffuser une musique en immersion. Et chaque type d’église (gothique…) permet d’en imaginer des différentes. Pour BERLIOZ TRIP AR on est sur un dispositif moderne avec des casques audio -. On va au-delà du binaural puisqu’on permet au spectateur de se déplacer dans cet espace sonore et de changer sa propre perception sonore. A gauche, il percevra les contrebasses, à droite, les flûtes. Et puis, les instruments tournent autour de lui, ce qui crée une sensation extrêmement vivante ! C’est un son binaural et spatialisé innovant, Généralement le dispositif ne bouge pas, c’est le spectateur qui évolue dedans. Nous avons agrandi ces possibilités pour proposer au spectateur de marcher dans une salle de 40m2 et changer sa perception. Le spectateur se promène réellement dans un environnement binaural.
G. A. – Sennheiser a proposé un autre dispositif fascinant avec une petite enceinte qui diffuse également un son binaural augmenté. Sans casque, on peut se promener dans un lieu et avoir un son spatialisé qui se déplace. Là-aussi, il faut avoir un matériel sonore de qualité pour que cela fonctionne. Rapidement, on trouve la musique en stéréo assez désuet.
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