La section Réalité Virtuelle du festival de Venise (La Mostra, inclue dans la manifestation artistique plus globale appelée la Biennale) revient en 2021. Pionnière du genre parmi les festivals de catégorie A, Venice VR sera de nouveau étendue cette année pour des raisons sanitaires, avec quelques événements sur place mais une présence développée en ligne et sur 14 lieux satellites dans le monde (liste à retrouver ci-dessous).
La section Réalité Virtuelle du festival de Venise (La Mostra, inclue dans la manifestation artistique plus globale appelée la Biennale) revient en 2021. Pionnière du genre parmi les festivals de catégorie A, Venice VR sera de nouveau étendue cette année pour des raisons sanitaires, avec quelques événements sur place mais une présence développée en ligne et sur 14 lieux satellites dans le monde (liste à retrouver ci-dessous).
Processus de sélection, mondes virtuels, enjeux et limites liées au Covid-19, avatar… Debriefing d’une nouvelle édition particulière avec son co-programmateur Michel Reilhac.
Credits cover: IN THE MIST by CHOU TUNG-YEN (Taiwan)
Venice VR Expanded : une sélection 2021 très diverse
Michel Reilhac – Nous avons reçu à peu près le même nombre de projets, 170 au départ. Si le niveau qualitatif est de plus en plus élevé, nous avons constaté avec Liz (Rosenthal) un certain manque de diversité dans les sujets abordés, de prise de risque créative. C’est certainement dû à une année Covid difficile, où l’innovation n’a pas été la priorité. Notre sélection reflète néanmoins une liste de projets forts, qui embrassent pleinement le médium.
M. R. – Avec Venise VR, seule compétition officielle de catégorie A au monde, nous devons obéir aux mêmes critères que le festival de cinéma: uniquement des premières mondiales ou internationales. Nous proposons une vraie sélection officielle, pas un corner en off de l’événement. Ceci nous contraint sur le choix des films à être vigilant sur leur qualité, leur diversité, leur impact. Côté logistique également, cela nous oblige à une feuille de route très stricte pour les lieux satellites. Ou sur la question des avant-premières, nous nous devons de demander une première mondiale ou a minima internationale pour intégrer l’expérience en Compétition. Certaines œuvres comme GOLIATH: PLAYING WITH REALITY était présenté dans une version prototype auparavant, d’autres n’étaient que partielles et arriveront complètes chez nous comme SAMSARA.
M. R. – Pour le BAL DE PARIS, c’est un cas un peu particulier car Blanca Li présentera cette œuvre multi-users, cette performance de danse à Venise en physique à côté du festival exceptionnellement. Et ce sera présenté dans un bâtiment magnifique que sera le Conservatoire Benedetto Marcello de Venise. Malgré les contraintes sanitaires, elle a souhaité offrir un accès direct pour le public durant le festival – là où nous ne pouvions pas le faire au Lido. Nous avons suivi son projet depuis qu’elle était venue à Venice VR en 2018, et c’était une évidence de l’avoir en Compétition. Il y aura une version linéaire, produite spécialement pour Venise VR, en ligne pour les accrédités.
L’horizon des mondes virtuels : la sélection VRChat
M. R. – Face à la contrainte des plateformes de diffusion, notre intérêt s’est porté sur les mondes virtuels qui existent sous VRChat et d’autres. Nous en proposons 35 dans notre sélection officielle, de façon inédite pour un festival international à notre niveau. La pandémie a accéléré ces explorations virtuelles, avec des mondes interactifs ou déambulatoires de plus en plus fournis, riches, fascinants. Ce sont des espaces de diversité et d’inclusion, de propositions très riches – nous en avons visité 400 pour arrêter nos choix, et nous aurions pu en garder beaucoup ! Ce sont souvent de jeunes talents, loin de notre industrie de contenus (ICC), ou de toute idée de festival, de célébrations, de productions sur plusieurs années.. La plupart de ces mondes sont conçus en quelques mois, avec peu ou pas de financement, mais beaucoup de passion et de solidarité (Raindance 2020 en présentait quelques-uns, ndlr).
M. R. – Observer l’éclosion de ce type de création, pas totalement underground non plus, c’est découvrir un décalage au sein de l’univers VR. D’un côté il y a une industrie venant du cinéma, de l’audiovisuel, qui propose un modèle de production très professionnel. De l’autre, les outils disponibles (Unity, …) sont à la portée de mains des nouveaux entrants, de passionnés d’images et d’immersion, qui peuvent déjà créer quelque chose. L’esprit de communauté y est très fort, laissant la place à des propositions incontournables et protéiformes. D’où notre choix de les présenter en sélection officielle cette année. On y ajoute, en plus, 5 concerts et événements live au sein de VRChat – toujours avec l’aide de notre partenaire VRrOOm.
M. R. – L’an dernier toute la période du festival avait été complexe pour moi personnellement, avec beaucoup d’heures en VR, déjà dans des mondes virtuels et une impression finale assez mitigée sur les risques d’un usage intensif de mes avatars. Cette année un ami designer VR m’a créé un avatar personnalisé, à mon image, qui me permet d’être plus à l’aise lorsque je passe plusieurs heures à l’intérieur de ces univers. Ces démarches sont devenues très naturelles, il faut que nous puissions y être à l’aise. Evidemment, j’adapte mon look selon les univers visités, comme dans le vrai monde au final.
Naviguer avec les contraintes des plateformes
M. R. – Les contraintes techniques pour mettre en ligne les œuvres sont de plus en plus draconiennes – et nous ne faisons pas exception aux délais des plateformes mondiales pour valider les contenus, qui sont quasiment tous des premières mondiales ou internationales. Les dernières semaines avant le festival sont donc particulièrement stressantes et complexes. Cette situation de quasi-monopole des plateformes est une vraie problématique à discuter pour la suite, car pour l’instant nous dépendons d’elles, de leur public, pour que les expériences soient vues. Et nous l’espérons, dans les meilleures conditions possibles.
M. R. – Il faut défendre l’indépendance de la réalité virtuelle, qui reste un support et un courant artistique émergent. Aujourd’hui nous sommes filtrés par les plateformes, avec peu d’espaces pour des expressions libres (ou différentes). Et des demandes techniques contraignantes. Certains artistes veulent proposer autre chose, des propositions plus radicales, osées. Évidemment, si nous retrouvons l’île VR, Lazzaretto Vecchio Island (on l’espère en 2022), le problème ne se posera pas sur place où nous aurons toute liberté de présenter les expériences que l’on veut. Le problème se pose dans l’accès numérique aux œuvres, et nous en ferons une des thématiques de conférence cette année.
M. R. – Et pour un événement comme le nôtre, la question est celle de l’accessibilité et du lien social. Et d’un réseau qui accueille déjà un public, comme le Quest et Oculus. En 2020, nous avons étudié de nombreuses plateformes de diffusion. Les propositions existantes sont techniquement complexes, hasardeuses et ne disposent pas d’une audience. Sans parler de l’installation nécessaire pour le spectateur, qui reste souvent un professionnel susceptible d’avoir l’équipement pour découvrir les sélections … Nous surveillons l’arrivée de solutions qui, nous l’espérons, aideront à démocratiser un peu plus nos créations virtuelles et en mettant de côté les barrières techniques pour accéder aux contenus.
M. R. – L’accessibilité se travaille aussi sur les contenus. C’est pourquoi nous avons choisi dans la section Best Of (Hors Compétition) des expériences comme JURASSIC WORLD AFTERMATH, MICRO MONSTERS ou MYST, notamment, pour montrer toute l’étendue de propositions VR. Notre travail consiste à ouvrir de nouvelles portes, ne pas enfermer la VR dans un style de contenu unique. Et ce sera le cas pour notre événement spécial, IN THE MIST de CHOU TUNG-YEN (Taiwan), qui ne remplissait pas les critères éditoriaux des plateformes et ne sera présenté que sur les lieux satellites. C’est une expérience immersive très crue, avec beaucoup de nudités mais surtout beaucoup de poésie, de réflexion sur la solitude. Notre acte de résistance artistique est d’en faire une partie spécifique de la Sélection.
M. R. – Nous sommes à un moment charnière où les casques filaires, avec une installation lourde, restent les plus performants et offrent la meilleure définition. C’est très frustrant, car à côté les propositions standalone se multiplient ! Mais il faut encore avancer pour qu’elles offrent la totale liberté tant attendue… De même, on nous demande d’adapter les expériences pour plusieurs casques, quitte à en réduire la qualité – c’est absurde. Il y a des barrières technologiques à franchir.
La convergence du College Biennale et de Venice VR
M. R. – Il faut regarder notre travail à Venice VR comme un mouvement en 3 étapes, chaque année. Avec le College, on accompagne les projets en développement et on identifie de nouveaux talents. Et ceci pour que 12 projets puissent trouver leur épanouissement créatif , avec plusieurs ateliers par an pour les équipes. On peut partir d’une idée, d’un concept, pour construire le projet avec elles. Et puis nous avons le Gap-Financing, qui est une vraie phase plus active de financement avec 15 projets pitchés sur le Lido en septembre. Et enfin, la présentation durant le festival avec la sélection des projets dans une catégorie dédiée. Dans tout cela, ce qui nous caractérise est notre travail sur la durée auprès des créateurs-rices et producteurs-rices, comme sur CONTAINER (Afrique du Sud) notamment que l’on retrouve en Compétition cette année.
Consolider le réseau des lieux satellites
M. R. – On retrouve le même nombre de lieux partenaires (satellites) qu’en 2020, 14 au lieu de 15. Certaines salles, notamment en Asie, n’ont pas pu reconduire l’opération en raison de la résurgence de la Covid-19. De même, nous ne poussons pas à étendre le réseau de façon exponentielle. Intégrer le réseau des satellites de Venice VR, c’est répondre à un ensemble de critères et de contraintes importants. Et puis, comme tout festival avec des avant-premières mondiales, les lieux ne reçoivent les films que quelques jours avant – surtout avec les contraintes de la VR, des outils de diffusion, des fins de production… Sans parler du volet financier, où les salles conservent l’intégralité des recettes sans non plus faire de bénéfices. L’investissement matériel, humain et marketing reste très coûteux pour ce type d’opération.
M. R. – Ceci étant dit, nous sommes très heureux de retrouver en majorité des lieux qui étaient déjà là en 2020. La période nous a limité dans nos démarches, même si nous avions de bon contact avec l’Afrique du Sud, le Kenya, à Taiwan ou des villes en Amérique du Sud. Mais les situations économiques, politiques et sanitaires de ces pays ne nous auront pas permis de finaliser ces choix géographiques.
- Centre PHI, Montréal, Canada
- Sandman Studios – Sandbox Immersive Festival, Beijing and Shanghai, China
- MC2: Grenoble, Grenoble, France
- Centquatre-Paris, Paris, France
- Invr.Space, Berlin, Germany
- Meet Digital Communication – MEET Digital Culture Center, Milan, Italy
- Fondazione Giacomo Brodolini – Laboratorio Aperto di Modena, Modena, Italy
- Museo Nazionale del Cinema, Turin, Italy
- M9 – Museum of the 20th Century, Venice Mestre, Italy
- Eye Filmmuseum, Amsterdam, Netherlands
- Less Media Group – Moscow Museum of Modern Art (MMOMA), Moscow, Russia
- Espronceda – Institute of Art & Culture, Barcelona, Spain
- Euromersive Turkey – IKSV salon & Kolektif House, Istanbul, Turkey
- Portland Art Museum & Northwest Film Center – Portland Art Museum, Portland, USA
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