C’est un projet hors-norme qu’a initié Atlas V voici plusieurs années : proposer une série en réalité virtuelle autour de grands cinéastes qui raconteraient leurs projets abandonnés. Anthologie documentaire qui consacre avant tout l’amour du grand écran, MISSING PICTURES a dû jongler entre l’ambition d’un projet forcément international et une pandémie qui n’a rien facilité. Rencontre avec le duo réalisateur et productrice qui a dirigé les opérations depuis plus de 3 ans, à l’occasion de la première mondiale des derniers épisodes à Tribeca 2022.
5 épisodes présentés à Tribeca Immersive 2022
Oriane Hurard – Inscrire MISSING PICTURES dans un événement comme Tribeca, qui consacre l’amour du cinéma indépendant, c’est une formidable opportunité ! Qui plus est car une bonne partie de l’équipe d’Atlas V vient également du cinéma. C’était idéal pour présenter les 5 épisodes dans l’écrin le plus cinéphile possible. Et nous souhaitons continuer à présenter la série par la suite dans des institutions ou musées liées au cinéma, envisager des rétrospectives autour des cinéastes… MISSING PICTURES se veut une forme d’archive pour l’histoire du cinéma contemporain mondial, c’est un peu notre lettre d’amour au cinéma.
Clément Deneux – Nous avions présenté l’épisode 2 (THE SEVEN STORY BUILDING) durant l’édition 2021, c’est donc un vrai bonheur de revenir à New-York pour célébrer la fin de production du projet et proposer les 5 épisodes au cœur du festival, avec une installation dédiée.

C. D. – La sortie en ligne des 5 épisodes devrait avoir lieu à l’automne (publié par ARTE France, ndlr), nous apportons encore les dernières touches au projet avant la présentation à Tribeca. J’ai peu de recul sur toute cette aventure, qui a été marquée par la Covid-19 et une co-production internationale complexe que nous avons dû gérer avec les impératifs sanitaires – et le soutien de nos partenaires en Corée du Sud, Royaume-Uni, Luxembourg ou même en France entre 2 Zooms. C’est un marathon créatif qui se termine bientôt !
Missing Pictures 1: Birds of Prey (Abel Ferrara)
Missing Pictures 2: The Seven Story Building (Tsai Ming-Liang)
Missing Pictures 3: The Monkey Wrench Gang (Catherine Hardwicke)
Missing Pictures 4: Father is Gone (Lee Myung-se)
Missing Pictures 5: Oh Debu (Naomi Kawase)
MISSING PICTURES, un projet emblématique d’une coproduction internationale
O. H. – 5 épisodes, un budget de 1.7 million, 5 pays, 4 co-producteurs… MISSING PICTURES a été un vrai challenge de production, aussi bien logistique que financier. C’est un travail souvent invisibilisé, mais qui a été ici particulièrement important. Il fallait coordonner la création de 5 épisodes avec pour chacun d’entre eux des coproducteurs et studios dédiés. Atlas V avait la responsabilité de coordination éditoriale, technique et financière de l’ensemble des sociétés de production (Serendipity Films, Wild Fang Films, Giioii) et des partenaires financiers impliqués au niveau international. Tout s’est accéléré ces 8 derniers mois où nous avons finalisé les 3 derniers épisodes en parallèle , avec plusieurs studios de création.

O. H. – Le principe de la co-production était essentiel pour assurer un tel investissement sur le projet. Tourner les interviews des réalisateurs et réalisatrices en capture volumétrique, intégrer celle-ci dans un casque standalone type Quest, le tout avec de l’animation en temps réel… Tout cela coûte cher, et nous avions également besoin de partenaires internationaux pour caster puis collaborer au mieux avec les cinq réalisateurs-rices qui en étaient les personnages centraux. Cette opportunité a apporté son lot de contraintes pour répondre aux critères de chaque pays et chaque fonds, de la localisation des dépenses à la localisation en plusieurs langues, etc.. Mais ceci permet également d’aller à la rencontre d’un public plus important, avec des relais locaux, et de se frotter à des approches multiculturelles qui ont enrichi l’ensemble du projet.
Relire : “On veut explorer nos univers au maximum, sur plusieurs supports” – Antoine Cayrol (Atlas V)
5 épisodes, 5 talents (dans le monde)
C. D. – Fabriquer une série, avec des cinéastes différents, chaque fois dans un studio différent, malgré des techniques de tournage identiques, c’est imaginer à chaque fois un prototype. Il y avait de la part des cinéastes des curiosités différentes vis-à-vis de la réalité virtuelle, du tournage en volcap aussi, et j’ai dû m’adapter à cela pour imaginer chaque histoire.. Pour autant, on retrouve à chaque fois des principes de mise en scène, des technologies.

O. H. – La phase de casting a été longue, pour plusieurs raisons. La présence d’Arte France et de la BBC depuis le départ nous a aidé à initier de premières discussions, mais c’est la co-production au sens global du terme qui nous a permis de sortir d’un prisme trop occidental et d’adresser un panorama mondial, plus diversifié et paritaire. Sur 5 épisodes, nous avons 2 réalisatrices – Là où statistiquement les femmes réalisatrices sont encore trop peu nombreuses.. Par ailleurs, il restait à trouver des créateurs-rices avec une certaine expérience qui auraient dans leur tiroir des projets oubliés, et peu susceptibles d’être réalisés. Cela n’avait pas de sens d’aller chercher des jeunes cinéastes n’ayant réalisé qu’un ou deux films. Enfin, parler d’un échec, ça n’est pas si évident pour beaucoup d’auteurs, dans une industrie encore trop focalisée sur le succès et les performances.
Fabriquer une série pour la VR
O. H. – Chez Atlas V, nous commençons à maîtriser la narration enanimation temps réel, et un projet comme MISSING PICTURES, avec 5 parties, a permis de tester de nombreuses choses. Certaines étapes sont identiques à de l’animation pré-calculée : character design, concept art, etc. Puis on s’oriente plutôt du côté du jeu vidéo quand on commence à utiliser des moteurs de jeu comme Unreal ou Unity (les deux ont été utilisés sur MP)…
C. D. – … avec toute la complexité d’un tournage en capture volumétrique qui s’oppose totalement aux capacités des casques standalone ! Là-aussi nous avons fortement appris au fur et à mesure des tournages pour trouver des solutions, des astuces visuelles tout en conservant notre ambition artistique.

O. H. – En 3 ans, l’industrie VR a fortement évolué mais pour ce qui relève de la fabrication, on reste dans un challenge technologique permanent. MISSING PICTURES, comme ON THE MORNING YOU WAKE, ce sont deux projets de longue haleine qui ont dû s’adapter aux évolutions du secteur, à l’arrivée de nouveaux casques notamment.
Une fabrication collective et collaborative
C. D. – Une fois les cinéastes choisi·es, je me suis replongé dans les filmographies de chacun. En Asie, on s’est vite rendu compte qu’il faudrait nous associer avec des talents sur place pour mieux appréhender les différences culturelles. Ainsi, l’épisode 2 consacré à Tsai Ming-Liang a été coréalisé par un réalisateur taiwanais francophone, Kuan-Yuan Lai ), tandis que l’épisode 4 a fait l’objet d’une collaboration particulièrement étroite avec Lee Myung-Se qui co signe l’épisode dont il est le sujet.
O. H. – Ces collaborations ont été d’autant plus utiles que le Covid-19 nous a empêché de nous rendre sur deux tournages, à Taïwan (Tsai Ming-Liang) et au Japon (Naomi Kawase). Clément a littéralement tourné via Zoom, de chez lui au Havre ! A l’inverse, lorsque nous avons pu nous déplacer à Los Angeles (épisode 3) ou en Corée du sud (épisode 4), nous avons été très efficaces pendant les tournages et sur notre collaboration avec les studios.

C. D. – Pour chaque épisode, j’ai écrit un premier scénario en m’appuyant sur les entretiens menés avec chaque cinéaste. Ensuite, j’ai mis ce script en image avec des « scènes-board », , sorte de story-board amélioré où l’on peut voir la place du spectateur, l’environnement 360. C’est le point de départ des animatiques calant les timings, de la mise en place de la capture volumétrique, puis du travail avec les artistes 3D et les animateurs. Sur certains épisodes, j’ai intégré dans la VR des éléments préexistants, comme un extrait de film dans l’épisode 2 (THE SEVEN STORY BUILDING) ou des extraits des repérages dans l’épisode 3 (THE MONKEY WRENCH GANG). Cet épisode est une bonne illustration du concept de l’ensemble de Missing Pictures d’ailleurs, car Catherine Hardwicke est allée assez loin dans le travail de préparation avant que le projet ne soit abandonné, nous avions donc beaucoup de matière sur laquelle travailler.
O. H. – Clément est graphiste de formation et cela a énormément nourri le projet. Il a pu expliquer aux équipes ses idées de mise en scène par des dessins, mettre en image les scénarios dès la pré-production. Avec les 7 pays impliqués dans la fabrication des épisodes , c’était essentiel ! Il a aussi conçu les affiches de chaque épisode, imaginé le logo, choisi les typographies… Tout ceci donne corps à la série dans sa globalité.
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