Figure très active de l’industrie XR, Antoine Cayrol est le cofondateur du studio Atlas V (et avant cela d’OKIO STUDIO). Production, distribution, networking.. Il semble être présent sur tous les fronts, et n’a pas réduit sa présence sur les événements du monde entier malgré la pandémie. Première partie d’un entretien à conclure.. début septembre (suspense).
Avancer au sein d’une année Covid-19
Antoine Cayrol – La crise sanitaire a eu un impact limité sur nos activités grâce aux aides de l’État français – il faut saluer le soutien des industries sur cette période. Atlas V s’est agrandi juste avant, avec une équipe qui atteint désormais une douzaine de salariés. Nous avions aussi l’habitude du travail à distance, du travail à l’international. C’est un peu frustrant évidemment, mais pour avancer cela n’a pas changé grand chose. On a quand même noté l’adoption de la réalité virtuelle, de la diffusion en ligne..
A. C. – Il faut préciser qu’Atlas V sortait de deux années de festivals très intenses, de présentation de projets : BATTLESCAR, GLOOMY EYES… On est désormais identifié, et ça facilite énormément les choses. Logiquement, tous les acteurs du marché ont pu discuter avec nous malgré l’isolement et la crise sanitaire. Ce qui n’aurait pas été le cas s’il avait fallu démarrer de zéro. Le timing a été en notre faveur, et on a aussi pu finaliser MIRROR, FORTUNE!, MISSING PICTURE (EP1), MADRID NOIR ces derniers mois.
A. C. – Et ça a été une période propice pour développer de nouveaux projets ! On a pu discuter avec les auteurs, relancer des idées de jeu vidéo VR, d’adaptation de nos licences (notamment de GLOOMY EYES en jeu et long métrage). Je suis avant tout producteur, mais les questions de distribution m’intéressent beaucoup. Et dans la XR, il faut se diversifier pour trouver de nouvelles sources de financement pour les producteurs, les auteurs, les ayant-droits… Je travaille sur ces sujets avec Danielle Giroux (voir son interview) qui en est la responsable chez Atlas V pour nos projets (et quelques autres) concernant la vente internationale et/ou le publishing selon les films.
A. C. – L’intégration du studio lyonnais Albyon dans le groupe ne change pas forcément notre façon de travailler. Albyon et Atlas V sont deux entités séparées sur nos projets, qui peuvent collaborer ensemble… ou non. Tout dépend des expertises demandées : on peut faire appel à un autre studio, ou confier le projet à Albyon. Il y a aussi la question de la territorialité des dépenses, des financements. Et plusieurs studios peuvent intervenir sur un projet. On reste très souple sur cette question.
MADRID NOIR, MISSING PICTURES… une année 2021 occupée
A. C. – Sur MADRID NOIR (de James A. Castillo) nous bénéficions du support d’Oculus, qui a souhaité sortir le film très vite après ces premières mondiales (Tribeca et Annecy). Ceci ne va pas nous empêcher de continuer sa circulation en festivals dans les prochains mois. Mais il fallait respecter sa fenêtre de sortie en ligne. Il y a une obligation d’aller à la rencontre du public, de vendre le projet à ceux qui ne viennent pas sur ces événements. Ou même, qui ne les connaissent pas !
A. C. – On a donc choisi d’orienter nos efforts sur des dispositifs marketing pour les stores (campagne TikTok, Youtube…), plutôt que des efforts vers la presse spécialisée. La seule contrainte est sur ce type de sortie de respecter les exclusivités des stores, ce qui peut quelquefois être bloquant pour les festivals étant hébergés sur des plateformes concurrentes. A l’inverse, une fois le projet sorti, on peut discuter avec des événements pour leur en donner un accès facilement.
A. C. – MISSING PICTURES, c’est un projet que j’ai initié. On vient de recruter une productrice, Oriane Hurard (voir son interview), qui a repris la gestion du projet mais je reste personnellement impliqué à chaque étape : casting, financement, production.. Oriane nous apporte un nouvel élan bénéfique pour la sortie du deuxième épisode, et la mise en production du troisième qui se tourne dès cet été.
A. C. – Un jour Joseph Beauregard (auteur et journaliste) m’a proposé ce concept de “films que vous n’avez jamais réalisé”, décliné d’une série d’articles sur le même principe pour la littérature (Le livre que je n’ai pas écrit, Le Monde, 2011). J’ai donc produit une première série de 10 entretiens filmés (lien) pour le Forum des Images, Radio Nova et Arte, réalisés par Clément Deneux. Avec Barbet Schroeder, Gaspar Noé, Joe Dante, Michel Hazanavicius, Christophe Gans, Yves Boisset, John Landis, Peter Bogdanovich, Tobe Hooper… Quelques années plus tard, Clément m’a proposé une autre forme autour de cette idée, mais cette fois-ci en recréant les films des auteurs interviewés. C’est devenu MISSING PICTURES, avec un vrai format VR.
A. C. – On cherche les auteurs-rices qui sont les sujets de la série, avant le film mis à l’image. En l’occurrence pour Abel Ferrara ça a été très simple (et très vite) par des contacts en commun. Clément a été le rencontrer à Rome, et immédiatement il nous a parlé de ce projet de film post-apocalyptique à New York, BIRDS OF PREY. Trois mois après, on tournait. Le deuxième épisode a été initié avec des financiers et coproducteurs taïwanais (PTS, Serendipity…), qui ont proposé à Tsai Ming-liang.
A. C. – On a planifié 5 épisodes en VR, mais j’aimerai beaucoup développer le concept pour d’autres supports : podcast, écrit, etc. On entretient la mémoire du cinéma, des projets qui ne voient pas le jour (et ils sont nombreux !). C’est essentiel de leur consacrer du temps. On a la chance sur ce projet d’avoir Clément Deneux comme réalisateur. Clément a une vision de l’ensemble, il ne lâche rien et ça fait du bien !
EVOLVER, la prochaine évolution d’Atlas V ?
A. C. – On a toujours eu une stratégie d’explorer nos univers à fond, qu’il s’agisse d’en produire plusieurs épisodes, ou non. On peut commencer avec un développement de type “vertical slice” qui vient prouver la force de l’histoire (teaser, prototype, prologue) avant de lancer la pleine production. On vient d’ailleurs de le refaire avec EVOLVER, sans que ça ne soit pour autant une règle absolue pour la suite.
A. C. – Sur EVOLVER, qui a été initié par Renée Pinnell de Kaleidoscope, on avait initialement quelque chose de très ambitieux, LBE et multi-users, en plusieurs chapitres. Terrence Malick, Edward Pressman et Orange sont entrés en coproduction. Nous sommes arrivés avec Marshmallow Laser Feast pour nous occuper concrètement de la production et réalisation VR. Nous avons alors revus le projet pour en faire une expérience adaptée au marché d’aujourd’hui – et en un seul tenant de 40 minutes.
A. C. – Le financement pour des projets destinés aux stores ou pour le LBE (comme EVOLVER), ce sont deux choses bien différentes. A côté de nos intentions sur les contenus en ligne, c’est fascinant de s’impliquer sur des projets aussi ambitieux, liés à une exploitation concrète dans des lieux – pour les salles immersives ou d’autres lieux culturels.
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