En s’intéressant de plus près aux salles de réalité virtuelle en France, on découvre un nombre conséquent de lieux accueillant des expériences VR – et notamment le réseau DreamAway qui dispose d’une douzaine de salles début 2023. Rencontre avec son co-fondateur Arthur de Choulot, entre bilan post-pandémie et rôle de ses salles dans l’éducation à ces nouveaux contenus.
- DreamAway est un réseau de salles événementielles diffusant des contenus VR de divertissement et culturel. Le réseau est aujourd’hui implanté à Aix-en-Provence, Cherbourg, Clermont-Ferrand, Lille, Lyon, Saint-Nazaire, Bordeaux, Herblay-sur-Seine, Toulon, Toulouse, Strasbourg, Vienne et bientôt à Annecy, Dijon, Toulon et Saint Brieux.
- Les salles DreamAway proposent des contenus de divertissement pour des cibles B2B ou B2C, mais aussi plusieurs expériences culturelles à destination de groupes scolaires et jeune public.
- Le LBE VR a connu une première période faste de 2016 à 2019 avec des réseaux mondiaux comme The Void, Dreamscape Immersive ou Zero Latency, mais la crise de la Covid-19 a fortement ralenti ce secteur. La reprise se fait, comme pour les salles de cinéma, depuis fin 2022.
Imaginer un réseau de salles LBE VR : DreamAway
Arthur de Choulot – J’ai découvert la réalité virtuelle avant même de travailler pour cette industrie. J’étais amené à beaucoup voyager, et la VR a été pour moi un outil de présentation de nos solutions clients – avant d’y plonger, et de créer DreamAway. Pour expliquer des produits très techniques, professionnels, la réalité virtuelle était déjà un outil. J’ai très vite découvert les studios créatifs et l’écosystème XR français particulièrement performants, et j’y ai vu le potentiel. Avec quelques amis, on a donc imaginé un premier lieu destiné au divertissement grand public. L’idée était d’amener ces innovations technologiques, et ces contenus, au plus grand nombre.
A. de C. – Quand nous avons créé DreamAway en 2018, le modèle envisagé était proche de celui du cinéma : un réseau de salles, avec des programmations, des tickets vendus, etc. Notre filière doit s’organiser autour de grands réseaux pour faciliter les débouchés économiques des studios. Nous avons choisi de ne pas créer nos contenus mais plutôt de démarrer par les fondations : la construction d’un réseau d’envergure capable d’accueillir les plus belles productions françaises. Notre expansion permet aux studios de projeter une visibilité de revenus dès lors que leur expérience match bien avec nos audiences. A chacun son métier, construire un réseau est déjà un énorme challenge en soit, tout comme l’élaboration d’une expérience VR parfaitement calibrée. On veut jouer le rôle de distributeur, en mettant tous nos efforts dans l’expansion des lieux, le travail sur chaque zone, identifier puis fidéliser une clientèle, et l’objectif de faire remonter des recettes aux créateurs. Très modestement, le premier site était un appartement ! Certains clients en sont encore nostalgiques…
A. de C. – Dès le départ, ça a fonctionné. Pour le grand public et les entreprises. Là, on a pris conscience de ce qu’il se passait, et j’ai quitté mon métier précédent pour m’y consacrer totalement. Et puis le Covid est arrivé, et un énorme coup d’arrêt – logique – à nos activités. On avait des franchises qui allaient ouvrir, une capitalisation imminente… Jusqu’en 2022, il y a eu 12 mois de fermeture, ce qui a été très dur pour tout le monde. Mais on y a cru, et on y croit encore ! Aujourd’hui, des salles existent, d’autres ouvrent…
A. de C. – Sur 11 sites existants, nous en avons 4 en propre et 7 en franchise. 4 sites sont en construction, si bien que d’ici fin 2023, on arrivera à une vingtaine de sites minimum. Il faut bien prendre conscience qu’avant 2020 le LBE VR était constitué de salles autonomes, indépendantes. Ce sont elles qui ont été le plus marquées par les fermetures liées au Covid : la plupart ne s’en relèveront pas. Et puis c’est compliqué pour des producteurs de contenus de discuter avec chacune d’entre elles ; un réseau comme DreamAway permet de faire plus de choses, plus facilement. Au global, la filière LBE redémarre après cette période très difficile. Les signaux à l’international sont très bons.
Définir le public des salles LBE VR
A. de C. – Côté public, le bilan est mitigé. Pour le grand public, cela reste difficile. Comme pour les cinémas, 2022 n’aura pas été une vraie année de reprise. Mais ça revient progressivement depuis septembre, sans être au niveau de 2019. Par contre sur le B2B c’est beaucoup plus positif. DreamAway a construit son réseau sur du B2B, avec des lieux en centre ville facilement accessibles. Une dynamique d’entreprise existe aujourd’hui, surtout avec l’essor du télétravail qui suppose de créer des synergies d’équipes via des activités LBE VR. Et travailler l’événementiel d’entreprise, c’est un super levier d’essor ! On travaille l’accueil en conséquence, avec des services adaptés.
A. de C. – Il faut sortir de la notion de “salle d’arcade” qui enferme trop, et travailler une offre unique – que les gens ne puissent pas retrouver chez eux. Le marché des salles VR n’est pas celui des gamers, mais plutôt des familles, sorties entre amis, des teambuildings… La moyenne d’âge de notre clientèle est 35 ans et 55% des réservations sont effectuées par un public féminin. La VR est avant tout une expérience sociale : il faut du collaboratif, ce qui suppose de la surface. Et des technologies qui existent en conséquence. Pour nous, tout revient à l’expérience utilisateur. Donc chez DreamAway, nous n’allons pas sur des contenus déjà disponibles sur Steam ou les stores – contrairement à nos concurrents indépendants qui vont facilement proposer des Superhot ou autres titres disponibles à la maison. Plus les studios nous sollicitent en amont d’une production, plus ils maximisent les chances de succès : il est important de comprendre le public des salles et leur ligne éditoriale. Ce qui compte, c’est le contenu. On communique sur les contenus en priorité.
A. de C. – Dans nos salles, le format n’est pas bloquant. 2023 sera chez nous l’année de l’abandon du filaire. Nos salles mixent actuellement des expériences avec un déplacement virtuel téléporté et du free roaming. Le free roaming sur des surfaces raisonnables est très probablement l’avenir des salles VR. Mais tout est une question d’équilibre financier entre coût immobilier et revenu généré.
Programmer le LBE VR
A. de C. – Une bonne expérience VR, c’est avant tout par le sujet. Il faut aujourd’hui un produit d’appel qui parle au plus grand nombre, idéalement entre le divertissement et la culture. Par exemple Notre-Dame de Paris, la 1ère guerre mondiale sont des bons sujets…. Si l’histoire suit, l’aspect collaboratif, alors on tient quelque chose qui va parler au public. Avec des durées qui peuvent être variables, entre 45 minutes en B2C, plus court pour des propositions B2B. Et pas que du shooting, s’il vous plaît !
A. de C. – On propose globalement les mêmes contenus sur l’ensemble de nos salles. Et c’est une chance ! Les studios XR nous connaissent désormais, et nous sollicitent de plus en plus en amont de leur production. Quand ils nous demandent les facteurs clés de succès d’une expérience, nos réponses peuvent les surprendre. Notre clientèle étant en grande partie des entreprises avec des tailles de groupe en moyenne de 20 personnes, on va commercialiser beaucoup plus facilement des expériences collaboratives de 15 min avec 8-10 personnes en immersion. On évite le shooting et le cartoon, et on privilégie la facilité de prise en main. Un jeune studio aura beaucoup plus de chances de tirer des revenus importants chez DreamAway avec ce schéma d’expérience qui est d’ailleurs sans doute moins complexe à imaginer des formats 45 min collaboratifs. La France est très en avance sur son réseau de salles LBE, contrairement à d’autres pays (voisins). Idem sur les contenus. Le savoir-faire technique est là. A présent, il faut structurer la filière et travailler les débouchés économiques.
A. de C. – Nous pensons que nos salles sont des vecteurs de diffusion d’expériences culturelles. Elles sont un moyen de rayonner au-delà des murs pour les établissements culturels et de toucher de nouvelles audiences. On ne compte plus les professeurs d’histoire venus avec leur classe visiter la maison Anne Frank témoignant leur gratitude ! C’est pour eux un formidable moyen d’accrocher la curiosité des élèves avec une technologie qui émerveille. Je me souviens également de notre partenariat avec le château de Versailles avant la crise. Nous avions proposé la visite du château de Versailles dans nos salles pendant quelques semaines. Le succès avait été incroyable en terme d’affluence. Les expériences culturelles ont sans doute une place dans nos salles sous réserve qu’elles s’adaptent à nos contraintes techniques. Nous discutons beaucoup avec des distributeurs tel que Lucid Realities pour trouver le bon schéma de distribution.
La place du culturel en LBE VR
A. de C. – L’enjeu culturel est pourtant très important pour nous, pour montrer toute la variété des sujets que peut aborder la réalité virtuelle. Nous sommes persuadés que commercialement il y a une place pour des contenus de ce type. Nous voulons aussi accompagner des lieux culturels qui ont des expériences immersives pour les diffuser au plus grand nombre, notamment des groupes scolaires. C’est pour cela que nous tenons à avoir des titres comme ANNE FRANCK HOUSE VR. On peut leur fournir un lieu de discussion, avec des salles de réunion pour s’installer, etc. Et puis on fidélise un public jeune, qui pourra revenir le weekend. Les professeurs sont très heureux de trouver de nouveaux moyens pour discuter avec les élèves. C’est gagnant pour tous, et les retours d’expériences sont tops !
A. de C. – Les grands projets culturels comme ÉTERNELLE NOTRE-DAME nous intéressent. On doit aller vers ça, voir même des propositions d’expositions limitées dans le temps. Le sujet fonctionne auprès du public, mais la crise est toujours là. L’investissement à fournir ne peut pas être que celui de DreamAway. C’est pour cela que nous espérons obtenir de l’aide des pouvoirs publics – qui est très focalisé sur la production aujourd’hui. Hors il faut aussi aider la distribution. On en parle avec les producteurs.
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