Aujourd’hui, le studio français Innerspace VR sort la deuxième partie de son fameux jeu en réalité virtuelle FISHERMAN’S TALE. Le co-fondateur et directeur artistique du studio Balthazar Auxietre dévoile pour nous les challenges et les nouveautés d’ANOTHER FISHERMAN’S TALE et parle des genres les plus populaires dans l’industrie du jeu vidéo VR.
Pourquoi Innerspace VR a décidé de créer la suite de Fisherman’s Tale ?
Tout d’abord, le premier FISHERMAN a bien marché et a eu une bonne réception, malgré sa durée assez courte par rapport à ce qu’attendent les habitués de ce type de jeu. De plus, beaucoup de gens nous demandaient la suite, parce qu’ils aimaient l’originalité du gameplay et le côté poétique du scénario. Mais on ne voulait créer la deuxième partie que pour de vraies raisons artistiques. Au sein du studio, nous avions à l’époque l’impression d’avoir raconté toute l’histoire, et qu’il n’y avait pas forcément matière à aller au-delà.
Mais un jour, notre designer Alexis Moroz a eu cette idée fondamentale de développer le nouveau chapitre autour de la déconstruction du corps. C’était l’élément artistique, différent pour le coup du premier projet, qu’on cherchait pour reprendre le travail sur cet univers. Cette approche nous a donné l’occasion d’explorer de nouvelles mécaniques en VR. En même temps, dans le concept proposé, il y avait toujours des similarités et des points communs avec le premier jeu de 2019. Ainsi, le personnage-marionnette de Bob avait déjà touché en quelque sorte l’idée de déconstruction du corps. Et donc la suite nous permettait de replonger dans l’univers de FISHERMAN’S TALE et d’en développer le sujet.
En outre, cela nous a donné l’envie avec le deuxième volet, d’agrandir et d’explorer cette histoire en format plus long, avec plus de profondeur. Le jeu qui sort aujourd’hui dure aux alentours de cinq ou six heures, ce qui reste relativement court en comparaison d’autres productions VR. Mais nous plus sommes dans le standard des jeux narratifs qui sortent sur PC – et c’est ce qui nous importe pour toucher aussi les gamers plus avertis. Dans la première partie de FISHERMAN, la durée était limité à une heure et demie, deux maximum, dépendant des facilités que vous avez dans la résolution des puzzles.
D’où vient l’idée des aventures d’un marin en réalité virtuelle ?
Le point de départ est venu d’Alexis, qui voulait explorer le concept d’un jeu sur le principe de la mise en abyme. Au début, on ne savait pas exactement comment l’histoire devait évoluer et ce qu’on allait raconter avec ce concept. Progressivement, avec les tests du gameplay dans des différentes situations, le sujet a commencé à se former : étape par étape, jusqu’à ce que ça devienne cette aventure d’un pêcheur. Dans le premier jeu, il devait s’échapper d’un phare, parce qu’il était prisonnier, à la fois physiquement et mentalement, de cet endroit. Le joueur se trouvait ainsi dans une sorte de boucle un peu obsessionnelle qui illustrait bien le concept de départ.
Dans le deuxième chapitre, l’équipe a décidé de développer l’aspect d’aventures marines, mais du point de vue de la fille du personnage de Bob, avec ses souvenirs. Le moment où le jeu démarre, elle est déjà adulte. La fille revisite son passé, avec son regard qui évolue au fur et à mesure de l’expérience. Elle se réapproprie les aventures fantasmagoriques du père pour révéler une vérité qui est cachée derrière. Enfin, avec le recul, l’héroïne comprend mieux qui elle est, où est sa place dans sa vie. C’est une sorte de petit conte philosophique, une histoire de filiation entre le père et sa fille, de maquettes et d’aventures, qui évoluent au fil des niveaux. Mais le point de départ, reste le concept de gameplay qui nous a permis d’aboutir à cette histoire.
La thématique de la mer a émergé de manière intuitive. Les aventures de marin, de pêcheur, il y a ce côté légendaire qui fait rêver, qui excite l’imaginaire. Cela nous semblait être un bon support pour raconter une histoire. En outre, ce sujet n’est pas très fréquent dans les jeux vidéo. Notre personnage, cherchait un sens à sa vie dans la première partie, et qui ensuite l’imagine dans des aventures rocambolesques. Bob n’est pas un super héros, mais un portrait auquel on peut s’identifier, car tout le monde à tendance à embellir certains souvenirs. Donc nous avons choisi ce décor parce qu’il nous semblait être une jolie caisse de résonance avec le concept et le gameplay qui est au coeur de l’expérience.
Quelles étaient les parties les plus compliquées à réaliser, dans les sens technique et artistique ?
Le plus compliqué, c’était de trouver l’équilibre dans le niveau de la difficulté du jeu et surtout des contrôles. L’apprentissage de ces derniers est assez sophistiqué, et nous avons énormément travaillé pour essayer de les simplifier au maximum. Trouver les bonnes manières d’interagir avec les différentes parties du corps, était un vrai challenge. Pourtant, même si le début du jeu demande des efforts, les joueurs comprennent bien les contrôles et progressent de façon très fluide ensuite. Je dirais que la technologie aujourd’hui nous permet, ainsi que les capacités de tracking du casque, une forme d’interactivité plus naturelle, avec un minimum d’interfaces, au plus près de nos gestes réels.
Qui est votre public ?
Nous essayons de toucher le public le plus large, que ce soit hommes, femmes, adolescents. De toute manière, on pense que la VR peut captiver pas uniquement les gamers, c’est un médium qui intéresserait tout le monde. Évidemment, il ne s’agit pas de petits enfants, car la VR est déconseillée pour eux. Mais en termes de tranches d’âge, le jeu pourrait plaire à des jeunes, ainsi qu’à des gens plutôt âgés, car la narration couvre des sujets universels et non violents. Mais comme les mécaniques restent un peu sophistiquées au début, cela pourrait être un peu déroutant pour ceux qui n’ont pas du tout d’expérience de jeu ou en VR.
ANOTHER FISHERMAN’S TALE sort en deux langues, mais notre public est principalement anglophone. Innerspace VR est très content de pouvoir montrer cette expérience aux gens en France, mais je dirais que la moitié de nos joueurs est situé aux États-Unis. Les USA restent le marché le plus développé en gaming XR, sans aucun doute.
Comment nous-pourrions définir le genre d’ANOTHER FISHERMAN’S TALE ? Quelles sont les formats les plus populaires en VR et qui sont vos concurrents?
Il y a une bonne expression pour nommer la série de FISHERMAN — « Adventure puzzle game ». Elle traduit bien l’évolution du format. Le premier jeu était vraiment plus un puzzle game avec un seul aspect narratif. Dans le deuxième, l’expérience devient plus longue, avec des environnements variés et une aventure, racontée à travers de la fille du personnage de Bob et des différentes maquettes qu’elle explore.
Actuellement, le sentiment que nous avons est qu’il n’y a pas réellement de concurrents dans ce genre. En France, très peu de studios font des jeux en réalité virtuelle. À l’échelle mondiale, c’est presque pareil. Cette industrie reste assez niche et émergente, donc il n’y a pas assez d’acteurs pour qu’on soit dans une situation de concurrence. De plus, nous travaillons avec des genres qui ne sont pas encore établis. Par exemple, comme les shooters, les jeux d’horreur ou les expériences de fitness.
Mais il est clair que les projets qui marchent le mieux s’appuient sur les forces de la VR. Notamment, quand les utilisateurs sont engagés physiquement, sans rester assis dans un fauteuil. C’est ce qu’on a essayé de faire avec ANOTHER FISHERMAN’S TALE, même si ce n’est pas notre stratégie commerciale. Se servir du corps d’une manière “puzzle” pour créer une expérience qui n’est pas uniquement intellectuelle, mais aussi physique.
Sur quelles plateformes ANOTHER FISHERMAN’S TALE sort ?
Le jeu va sortir sur toutes les plateformes, y compris sur PSVR 2, Steam et Meta Quest 2. Par expérience, nous attendons plus de joueurs sur Quest 2, car il y a beaucoup plus de casques, donc le public est plus important. Nous avons aussi l’impression qu’une partie des gens qui achètent des casques Meta aujourd’hui ne sont pas forcément des gamers. Ce qui n’est pas le cas de PlayStation où, à mon sentiment, quasiment la totalité du public restent des joueurs réguliers. Je pense que Meta attire un public plus varié, y compris plus de femmes, même si cette industrie reste principalement trop masculine.
https://anotherfishermanstale-vr.com
Lors du NewImages Festival, qui réunit chaque année des acteurs les plus visibles du monde de la XR, l’autrice d’article Natalia Kolodinskaya avait eu l’opportunité de tester ANOTHER FISHERMAN’S TALE avant sa release. « Au début, le principal challenge était de prendre en main les contrôleurs. Cela m’a demandé d’attention, de la logique et, franchement, un peu de conseils de Balthazar ; ce n’est pas un jeu bête qui vous fait perdre du temps. Après une quinzaine de minutes, je me suis habituée et ai compris comment réussir chaque étape. Je dirais que c’est un excellent jeu pour qui cherche un gameplay interactif dans tous les sens du terme, ainsi que du contenu joyeux, sans armes, guerre, monstres et autre violence. La seule bataille que j’ai eue, c’était celle avec un crabe sur la plage … »