L’accélération des technologies immersives ces 10 dernières années, ainsi que la montée en puissance des réseaux sociaux, a eu tendance à diviser les réalités virtuelles et augmentées. D’une part, un casque omniprésent, et un essor lent qui demande à convaincre le grand public. D’autre part, une adoption de l’AR au service des marques à travers la diffusion des plateformes comme Instagram, Snapchat ou Tik tok (notamment).
Et si 2024 marquait la réunion de tous avec le débarquement en force de la réalité mixte, préfigurée par HoloLens ou Magic Leap, et désormais dans une année charnière avec Apple ? Partage d’un point de vue à cette croisée des chemins avec Elisabeth Eon, Chief Strategy Officer, et David Letourneau, Chief Executive Producer, chez Atomic Digital Design.
Une agence créative spécialisée dans le digital
Elisabeth Eon – Début 2024 Atomic c’est +65 personnes, entre Paris et notre nouveau bureau de Dubaï, autour de la production de contenus AR – Et +600 productions depuis trois ans avec une forte valeur ajoutée créative. L’écosystème AR social est dans un moment de consolidation au niveau mondial, avec une forte concurrence désormais entre studios créatifs. On conserve néanmoins l’idée que nous pouvons diffuser sur un marché impressionnant de plus de 3 milliards de smartphones, avec des marques toujours motivées ! Aujourd’hui nous travaillons sur une diversification de nos propositions sur les formats en réalité mixte avec déjà des premières propositions pour Magic Leap ou Meta sur le Quest 3. C’est un marché clairement en devenir où nos compétences créatives et techniques en AR sont une vraie plus-value. Et il faut pouvoir envisager tous les usages, les technologies en devenir comme la WebAR…
E. E. – Côté AR, il reste évident que le marché est en expansion sur le volet marketing, avec une adoption du public désormais acquise. Selon les prévisions d’ARtillery Intelligence, le secteur de l’AR mobile devrait tripler d’ici 2027 (source). On voit l’énergie de Snap ou Tik tok dans ce domaine, de Niantic, mais aussi d’autres géants technologiques comme Qualcomm avec des fonctionnalités récentes comme la géolocalisation, la visual search chez Google, etc. Créativement parlant, avec l’arrivée de la 5G et des gammes de téléphone désormais puissants, on a la possibilité de proposer des expériences encore plus belles et interactives.
David Letourneau – Si on part des usages, on réfléchit tout de suite aux nouvelles formes d’expériences qui sont possibles. La maturité des technologies nous aide beaucoup. L’équipement plus immersif va se développer en parallèle des téléphones ces prochaines années, c’est évident – après une première décennie marquée par l’apport important de Meta à cette filière et un casque grand public facilement accessible. L’Apple Vision Pro est un produit séduisant mais à un tarif élitiste, et pour un usage différent. Avec le Quest, on est sur une démarche tournée vers le gaming et le divertissement. D’autres constructeurs comme XReal sont dédiés à ça aussi. Et on voit arriver ou revenir Samsung, Google, etc.
Profiter d’une maturité technologique
D. L. – Le vrai tournant, c’est la possibilité d’avoir aujourd’hui du matériel facile à utiliser et qui ne dépend plus d’une vaste installation technique. On va arriver à ces fameuses lunettes de réalité mixte d’ici deux ou trois ans, qui seront encore plus légères sans perdre en performance. Un équipement miniaturisé, mobile, qui ne sera pas un téléphone et permettra d’augmenter le monde, le transformer. Il faut voir comment le grand public a déjà une appétence pour le Fake Out Of Home (ou FOOH), une tendance qui consiste à travestir la réalité à l’aide du numérique. Les marques y trouvent un vrai dialogue avec leur audience : Jacquemus, L’Oréal, etc. L’utilisateur avait envie de selfie et d’autoportrait voici quelques années ? Il veut désormais tourner sa caméra vers le monde extérieur, et le recréer avec son regard. On avance sur des contenus qui viennent combler le fossé entre l’imaginaire et le tangible, c’est une formidable opportunité de parler du concept de réalité.
D. L. – Une tendance forte l’an dernier était le VTO ou Virtual Try-on, et ça reste une possibilité très utile pour beaucoup de nos clients. On essaie en ligne et/ou virtuellement pour se convaincre avant d’acheter ou de se déplacer en boutique. Les ROIs peuvent être fascinants dans le secteur de la mode, la beauté ou le luxe.
D. L. – Et au-delà du matériel qui s’améliore, c’est la possibilité de persistence storage qui m’a totalement convaincu de l’avenir de la MR et de l’AR mobile. Cette capacité de pouvoir ancrer des éléments 3D de façon géolocalisée (impliquant une idée de web spatialisé) autour de nous est une totale révolution. On va pouvoir personnaliser notre quotidien avec des assets virtuels – et potentiellement les partager. On l’applique déjà en AR avec certains de nos clients, en application personnelle ou pour découvrir des dispositifs extérieurs (dans les rues, autour d’un arrêt de bus…).
De la réalité augmentée à l’immersif en réalité mixte
D. L. – 2024 marque un vrai pivot pour Atomic, qui se revendiquait voici deux ans comme la “AR Company”, et sa démarche agnostique dans ce secteur : réseaux sociaux, application, conception 3D… Aujourd’hui on souhaite pouvoir être reconnus comme les experts de l’expérience augmentée sur tous les supports. Au-delà des réseaux sociaux, on peut imaginer des installations pour le monde extérieur (affichage, tablette, écran géant, casque…) et toucher le public dans le monde réel. Il faut voir les panneaux géants 3D OOH à Londres ou dans les plus grandes capitales. L’interaction avec le public est fascinante car la promesse est le plus souvent biaisée : il faut être placé à un endroit très spécifique pour voir l’effet 3D. Mais on veut y croire !
E. E. – Pour nous le développement de la XR doit aller vers des usages qui n’enferment pas l’utilisateur totalement. La réalité mixte est donc une priorité. La VR en elle-même aura de plus en plus d’usages en entreprise, ou pour des utilisations spécifiques en B2B2C : points de vente en boutique, démonstration, culture et éducation… Mais l’utilisateur final ne sera pas propriétaire du casque, il viendra profiter d’une activité extérieure. En dehors d’un volet jeu vidéo déjà très adopté…
D. L. – La réalité virtuelle a beaucoup de mal à se partager – car elle est peu mobile. La réalité mixte, oui car elle peut se vivre en extérieur. Mais on va y arriver, car le vrai métavers tel que l’envisage Mark Zuckerberg c’est le monde réel. Horizon est une façon d’étudier certains usages, mais n’a pas convaincu. Meta se dirige vers la MR, et le Quest 3 est très convaincant en termes de passthrought etc. Pour la MR, chez Atomic, nous y sommes venus de façon itérative. Il fallait que les bons critères soient réunis : un passthrought de qualité, une zone de jeu bien configurée (la sécurité est primordiale !), la définition des couleurs, etc. Notre premier prototype est devenu directement une vraie expérience, et Meta nous a déjà commandé la suite. Et jouer sur la gamification, ça vient aussi pour nos clients – retail, luxe, etc.
D. L. – La réalité mixte m’intéresse car elle permet une interaction directe avec le monde extérieur. On peut saisir des objets, avoir un environnement physique inclus dans l’expérience. Et jouer avec tout ça. Depuis dix ans on a accepté de pouvoir mettre un casque sur la tête pour vivre des choses inédites. Il faut voir les vidéos qui sont sorties avec le Quest 3 où des influenceurs boivent leur café ou cuisinent avec le casque… Et au-delà de la blague, ces usages vont se développer progressivement avec plus de sens.
D. L. – L’avenir de la MR doit aller vers l’absence de manettes. Par simplicité d’usage, mais aussi pour limiter les frictions à l’entrée d’une expérience. On le voit dans nos projets pour le retail, qui est un secteur toujours très fort. Les expériences phygitales en magasin peuvent aller vers les smartphones, ou en réalité mixte prochainement – il faut que l’accès en soit le plus simple possible.
Et l’intelligence artificielle ?
E. E. – L’intelligence artificielle est déjà très présente chez nous, avec des outils conversationnels d’une part et une forte implication en termes de création d’autre part. On avance mieux, et plus vite. L’IA peut devenir le cerveau de la réalité augmentée, avec l’implantation d’expériences complètes guidées par l’IA. À voir sous quel délai… Mais en tout cas nos process de création 3D sont en passe d’être révolutionnés par ça.
D. L. – On peut créer des personnages ou des contextes entiers à partir de prompts, c’est déjà fait. Et même les utilisateurs, via les plateformes, pourront le faire. Mais ça n’enlève pas les contrôles humains, les corrections et optimisations manuelles.
E. E. – On aura toujours besoin des équipes aux commandes, et ça n’est pas demain qu’on pourra se passer des créateurs et développeurs pour produire des expériences satisfaisantes.
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