ASCENDERS est la dernière production made in BackLight, un studio créatif français dédié aux expériences en free roaming (LBE). Son réalisateur, Jonathan Astruc, habitué de ce type de production (il a notamment signé BIRDY KING LAND, VALERIAN VR, ECLIPSE ou TOYLAND), revient avec nous sur la présentation du projet à la dernière Mostra de Venise et sa future exploitation.
ASCENDERS, l’après ECLIPSE
Jonathan Astruc – L’envie de faire ASCENDERS est venue de nos précédentes productions, et de ce que nous avions appris. Et surtout d’ECLIPSE, qui est une expérience qui circule beaucoup dans les salles d’arcade VR (et aussi plusieurs festivals). L’ambition était de pouvoir proposer un nouveau jeu sur la même base, à savoir une expérience coopérative avec 2 équipes de 2 personnes, une durée d’une heure brief et équipement compris, un sol vibrant, et une zone de jeu identique, pour continuer à faire vivre le set up des lieux qui exploitent ECLIPSE avec un nouveau contenu. J’étais persuadé qu’il fallait jouer sur les échelles et les perspectives pour sortir d’un milieu confiné – développer l’espace, les dimensions, tout en utilisant notre “plan shifting”. Un des gimmicks du storytelling BackLight qui nous permet d’utiliser des plateaux pour transporter les utilisateurs au sein de l’environnement, de démultiplier les possibilités et surtout d’offrir un monde virtuel bien plus grand que le set up physique dans lequel il est opéré.
J. A. – ASCENDERS repose donc sur l’idée d’une île-montagne mystérieuse composée de géants de pierre dissimulés, alors qu’une vague monstrueuse va tout recouvrir. Le joueur doit gravir cette montagne à l’aide des géants pour échapper à la vague et ne pas être englouti. C’est comme un jeu de plateau, avec des étapes où chacun doit collaborer pour avancer, et dont l’objectif est de finir tous ensemble. C’est une progression dans l’histoire fluide, sans “cut” caméra, comme un vrai escape game d’une heure.
J. A. – L’enjeu était aussi d’emmener les joueurs vers des univers plus originaux. ECLIPSE faisait référence à de la science-fiction finalement très populaire, avec des clins d’œil à ALIEN ou SUNSHINE. Et c’était l’idée d’ajouter à notre fil narratif ces imaginaires communs. Avec ASCENDERS on a souhaité s’en détacher, même si chacun peut ajouter ses propres idées en se confrontant au récit, en misant sur le storytelling par l’environnement et en développant la relation entre les joueurs, en direct. Quand on avait présenté ECLIPSE à Venise en 2018, j’avais pu découvrir VR_I de Gilles Jobin qui avait déjà bien exploré ses histoires d’échelle entre personnages, de dimensionnalité de l’histoire. J’étais bluffé, et ça m’a rassuré sur pas mal de points pour développer ASCENDERS.
J. A. – Nous voulions aussi nous rassurer sur l’aspect grand public de l’expérience, en produisant quelque chose d’accessible, de simple dans le gameplay. Lorsqu’on est accueilli par les géants, qui nous transportent dans leurs mains, ça marche ! On est tout de suite dans l’histoire. J’ai régulièrement des soucis dans l’immersion au sein des escapes game VR. Avec ECLIPSE, on avait testé pas mal de choses qu’on a poussées avec ASCENDERS – comme avoir un chronomètre dans l’histoire pour échapper à cette vague géante. Mais en conservant l’histoire au cœur du projet.
Concevoir une expérience immersive : la pré-production
J. A. – Quand je prépare un projet, avant même qu’on ne travaille des concept arts, je monte une vidéo avec des extraits de contenus créatifs que je trouve pertinents : du jeu vidéo, du cinéma, etc. Une forme de trailer que je peux présenter à l’équipe. Pour ASCENDERS, j’ai regardé du côté de League of Legends par Fortiche, le Clash des Titans, de vieux films, un clip de Jamiroquai etc. Un “moodtape”, en quelque sorte.
J. A. – Ensuite, j’ai travaillé avec Thomas Crauk sur le scénario – Thomas travaille régulièrement avec moi pour écrire les histoires de nos expériences. On livre un document assez fourni sur l’univers, les personnages… Pour ASCENDERS, nous n’avons pas pu utiliser tout ce qui a été écrit, et j’espère que nous aurons un jour la possibilité d’en montrer un peu plus ! En parallèle, je travaille avec Aymeric Favre et Luc Grzesiak sur la direction artistique et les premiers visuels (concept arts). On peut ainsi fournir un vrai dossier sur l’expérience dès la pré-production avec nos envies,les décors, les personnages. Je m’inspire aussi de beaucoup de jeux comme MYST, et je continue à montrer de courtes vidéos pour réfléchir à nos propres modes d’interaction et notre gameplay adapté à ASCENDERS.
J. A. – Pour les géants, le challenge était de les concevoir de façon réaliste. Je les voulais initialement bien plus imposants, presque 1 kilomètre de haut ! Mais il fallait que les joueurs soient transportés par les mains du géant, et si on voulait un minimum de respect des échelles – avec des éléments ni trop grands, ni trop petits – et une crédibilité des déplacements réels il fallait être moins ambitieux. Les géants ont donc été réduits à environ 70 mètres de haut. Tous ces réglages se sont faits, pendant les confinements, directement dans l’expérience, avec tous les collaborateurs en virtuel. Ces questions d’échelle ont guidé, par la suite, la taille de l’île et de chacun des composants de l’histoire.
J. A. – Par ailleurs, notre défi était cette volonté de fluidifier l’action. Comment se déplacer, comment occuper l’utilisateur si l’autre équipe a du retard… C’est l’environnement qui guide un peu tout ça. Les différentes avancées technologiques nous ont aussi permis de pouvoir travailler malgré les contraintes sanitaires, en se rejoignant dans l’expérience notamment sans être dans le même espace physique. C’est quelque chose que nous n’aurions pas pu faire sur ECLIPSE, et c’était bien plus rapide. Je voyais mes animateurs modéliser directement dans ASCENDERS.
ASCENDERS, une expérience esthétique
J. A. – Nous avons fait beaucoup de recherches sur l’esthétique du projet. Notamment avec les concept artists : il a fallu avancer avec des envies de qualité de l’expérience, en ne pouvant pas faire tout ce que l’on voulait. On s’est émancipé du photo-réalisme pour un design plus animé, presque BD, qui s’adapte au support. Il y a un aspect presque passé, terne, voire sombre, qui illustre ce monde à l’agonie. Nous nous sommes également affranchis d’idées trop colorées pour tenir cette ligne esthétique plus mature.
J. A. – ASCENDERS s’est construit autour d’une expérience plus longue, mais nous avons fait le choix de couper certaines séquences pour rendre le récit plus efficace. Je garde ces scènes dans un coin, en espérant les présenter un jour au public. Je travaille aujourd’hui sur de nouveaux projets, mais nous avons chez BackLight une vraie équipe dédiée à l’exploitation des projets qui me tient au courant du futur d’ASCENDERS. J’irai refaire l’expérience en salle, notamment pour tester les équipements haptiques. C’est important de rester au contact de la réalité de la diffusion dans les salles LBE, tout en maintenant sa culture VR : ce sont des informations essentielles pour améliorer encore nos possibilités narratives. HALF LIFE: ALYX, BLADE AND SORCERY sont notamment des titres que j’ai testés récemment.
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