Les 6 et 7 décembre 2024, 104factory a ouvert ses portes pour la 8ème année consécutive de l’Open Factory. Une occasion rare de rencontrer les différentes entreprises – créatives et culturelles à impact écologique et sociétal – sélectionnées et accompagnées au sein du CENTQUATRE – PARIS, lieu infini d’art, de culture et d’innovation.
Cover : Open Factory #8 📸 Quentin Chevrier
Deux journées, gratuites, ouvertes à toutes et tous, au cœur de Paris. Un moment pour découvrir, tester des innovations autour de la musique, du livre, des arts numériques, de l’inclusion ou de l’écologie. Cet événement annuel met, aussi, en avant le rapport de confiance entre les entreprises hébergées et 104factory. Retour en images et en mots sur ces innovations – prenant la forme d’expériences immersives, d’applications ou encore de plateformes en ligne – et notre échange avec Marialya Bestougeff, directrice de l’innovation du CENTQUATRE.
Confiance et complémentarité, des valeurs cardinales au sein de 104factory
La promesse de l’Open Factory, “ouvrir ses portes, un des rares espaces du CENTQUATRE fermé, réservé aux personnes qui y travaillent toute l’année” nous confie Marialya Bestougeff, directrice de l’innovation. Deux journées pour mettre toute cette énergie créatrice en avant.
104factory, ce sont tout à la fois des entreprises en résidence ou des organisations incubées. Un programme riche ouvert en 2013 et une ambition claire : accompagner, héberger, animer et connecter l’écosystème culturel et créatif au cœur d’un lieu unique d’art, de culture et d’innovation. Chaque année, environ une vingtaine d’entreprises sont sélectionnées et accompagnées par des professionnels partageant leur expertise métier.
Dans une volonté d’ouverture, d’émulation permanente, des appels à candidatures sont lancés trois fois par an environ.
Un point essentiel de 104factory : “Nous souhaitons une belle synergie, une bonne entente entre les entrepreneuses et entrepreneurs ; il faut leur éviter le sentiment d’avoir à côté d’eux des concurrents ou des concurrentes” ajoute la directrice de l’innovation interrogée. Cette crainte levée, l’entraide est aussi plus aisée à mettre en place et à nourrir.
Entreprises, jeunes structures ou associations peuvent candidater, à la condition que votre projet soit innovant. La définition de l’innovation est souple. Selon Marialya Bestougeff, elle peut être “technologique ou d’usage”. Le hacking a donc sa place dans une institution labellisée FPI. Les entrepreneurs incubés bénéficient de moments d’échange avec leurs pairs.
Ambition de 104factory : collaborer et expérimenter pour faire grandir et prospérer
Quand les dossiers de candidature retiennent l’attention de la douzaine de membres du jury (dont font partie d’anciennes entreprises accompagnées), les jeunes entreprises entrent dans un processus qui conduira à l’expérimentation. Un accompagnement dense avec une contrepartie : se donner les moyens de prototyper pour expérimenter son projet sur un vrai public. Marialya Bestougeff s’enthousiasme à cette particularité de l’incubateur 104factory : “expérimenter en sortant de l’entre-soi, bénéficier de retours d’expérience de professionnels mais aussi du grand public pour mieux progresser sur son projet”. Ce travail itératif permet aussi de faire grandir son réseau de prospects et de clients.

Se renouveler sans cesse pour mieux soutenir l’innovation
L’ADN du CENTQUATRE, c’est l’ouverture, la circulation de la culture, de l’art et des questionnements sociétaux.104factory s’inscrit logiquement dans cette démarche. Chaque occasion, qui apporte de la valeur pour les entreprises accompagnées, peut être utile pour leur donner de la visibilité. Qu’il s’agisse d’événements extérieurs, comme Museum Connections, ou interne, Marialya Bestougeff est à l’affût “des occasions de créer des rencontres”.
L’équipe 104factory “cherche à faciliter le quotidien des entreprises incubées. Ils n’ont pas à se soucier des problématiques logistiques. Toute l’équipe œuvre pour cela. Nous réfléchissons à avoir un dispositif d’accompagnement adapté à leurs vrais besoins”. Qu’il s’agisse d’éclairer l’entreprise sur des questions métier mais aussi juridique, fiscale ou encore de communication, de nombreux intervenants ou structures comme la Banque de France sont invitées à partager des informations utiles ou proposent d’explorer d’autres filières de subventions moins connues.
Quand votre crédo est l’innovation, “on se doit de renouveler sans cesse les programmes. Nous adaptons les ateliers en fonction des priorités des entreprises sélectionnées” souligne M. Bestougeff ; et de poursuivre : “nous avons la chance d’avoir de nombreuses visites de délégations étrangères, notamment grâce à nos activités d’ingénierie culturelle. Des opportunités se créent ainsi”.
Pour illustration de cette réussite, la directrice de l’innovation évoque Magique, studio de création et d’innovation explorant l’odorat sous toutes ses formes. Alors qu’ils étaient accompagnés à 104factory, ils ont eu l’occasion de rencontrer les équipes de l’Institut du Monde Arabe. Ce fut l’étincelle qui a permis à Magique de travailler sur les dispositifs immersifs de l’exposition Parfums d’Orient présentée à l’IMA.
Que représente l’innovation au sein de 104factory ?
Interrogée sur la représentation de l’innovation dans l’industrie culturelle et créative, Marialya Bestougeff, répond sans trop de surprise “quand on parle d’innovation dans la culture, elle est souvent portée par des aspects technologiques” allant parfois jusqu’à être uniquement centrée outils. “On parle de métaverse, d’immersif, d’intelligence artificielle. Tout ça ce ne sont finalement que des médiums, des outils et c’est très intéressant en soi. Néanmoins ce qui primera c’est la manière d’utiliser l’outil, ce que l’on en fait ; l’histoire qu’il permet de faire vivre ; le service supplémentaire qu’il propose (…). Ce qui nous intéresse, c’est l’innovation par l’usage et pas simplement par la technologie” insiste M. Bestougeff.
Un grand nombre d’acteurs peuvent donc avoir leur place au sein de 104factory, du moment que ce cahier des charges est rempli. Mais pas seulement.

L’innovation ne s’engage plus sans sa corollaire responsabilité.
Une prise de conscience collective de la responsabilité sociétale et environnementale ainsi que la multiplication des projets déposés ont conduit 104factory à développer le programme Culture Impact.
L’innovation induit des transitions. Elles sont tout aussi importantes dans le secteur culturel qu’ailleurs. On parle de transformation numérique, de transition écologique, d’éco-conditionnalité aux aides que ce soit dans le secteur de l’audiovisuel ou de l’immersif. Ce sont des enjeux majeurs dont chaque acteur doit avoir conscience. La mise en œuvre, elle, peut être plus complexe. Cette difficulté, la directrice de l’innovation en a conscience : “il faut absolument accompagner ces structures qui innovent et nous aident à progresser aussi dans ces champs-là.”.
Marialya Bestougeff évoque Arviva. Structure fédérant les acteurs des arts vivants et durables. Une signature : “Pas de spectacle vivant sur une planète morte”. La promesse est claire. Leur engagement tout autant : les membres de l’association s’engagent à changer leur pratiques pour changer leurs modèles. “On constate que ces sujets de l’innovation touchent donc beaucoup à l’organisation du travail” ajoute la directrice, “dans notre secteur créatif et culturel, de nombreuses organisations ont des synergies à travailler avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire.”. D’expérience,104factory a constaté que cette porosité pouvait induire des réflexions sur les porteurs de projets notamment sur leur mode de gouvernance. Certains ont, par exemple, choisi le modèle de SCOP pour se déployer après être passé par 104factory.
L’équipe 104factory reste donc en veille sur les nouvelles structurations juridiques ou les modèles économiques. L’accompagnement institutionnel passe aussi par la transmission de ces informations que les équipes accompagnées ne peuvent pas nécessairement réaliser faute de temps, d’énergie ou, simplement, de savoir où se renseigner. “Il faut parfois savoir reconnaître ses limites et c’est aussi à cela que sert l’expérience de l’incubation. Comprendre là où l’on doit mettre son énergie et savoir à quel moment il faut trouver des partenaires. Savoir les choisir aussi.” précise Marialya Bestougeff.
L’incubation : un modèle descendant à 104factory ?
La directrice de l’innovation se veut claire : “nos équipes apprennent beaucoup également des personnes accompagnées”. “Nous développons aussi des projets autour de l’immersif”. Comme pour nombre d’acteurs économiques, le Covid a été un levier d’expérimentation. Juste après le Covid, avec les deux éditions de Venice VR Expanded. Après VR to Go avec le centre Phi, des programmes pédagogiques ont été élaborés en collaboration notamment avec Diversion, alumni 104factory.
104factory collabore avec de nombreuses écoles, notamment au sein d’un programme avec les Gobelins, ou encore avec des étudiants en médiation à l’Université de Paris 8. “L’idée est de créer des synergies entre étudiants et entrepreneurs incubés”. Mixer toutes ces énergies et leur permettre de se prolonger au-delà de l’incubation, voilà l’ambition de Marialya Bestougeff.

Le profil des entrepreneurs, candidats à 104factory, évolue-t-il au fil des années ?
Oui et non semble nous dire la directrice de l’innovation. Pour autant une constante traverse toutes les candidatures, que l’innovation soit au service de la création. Soit qu’elle la fasse naître, soit qu’elle permette d’y avoir accès, soit encore qu’elle permette de la conserver et de la faire vivre.
Les projets sont variés : du livre, de l’architecture à l’exploration poétique du vivant en passant par l’accès au théâtre en Facile à Lire et à Comprendre. Les profils des porteurs de projets le sont tout autant.
Marialya évoque The Analog Club, communauté de photographes analogiques. Leur ambition : se développer afin de permettre la revente d’appareils photo analogiques. Finalement, ils ont, à leur niveau, contribué à relancer toute la filière. Réparer les boîtiers, les objectifs, trouver les bobines, ouvrir un laboratoire pour faire les tirages, reconditionner du matériel, exposer de manière virtuelle ou réelle. Ce sont aussi des ateliers afin de redécouvrir l’usage de la photographie analogique. “L’innovation c’est aussi savoir regarder derrière soi et se dire c’est intéressant” nous murmure Marialya avant de suspendre, un court instant, la conversation par un “c’est un rapport au temps qui est différent et leur projet est très chouette”.
Le temps, la durabilité, la responsabilité, des notions que partagent les structures accompagnées. La question du cycle de vie d’un produit est un enjeu dans le numérique en général et pour les œuvres immersives en particulier. Comment permettre le réemploi, peut-on mettre en commun des moyens ? Des questions qui sont aussi au cœur de la plateforme Plinth qui mutualise des éléments de scénographie pour les entreprises et institutions culturelles.
“Nous cherchons des projets différents, singuliers” précise Marialya Bestougeff toujours dans cet esprit de responsabilité, comme Polaire Studios. Leur ambition environnementale ? Produire des contenus vidéo les moins impactants possible. Côté sociétal ? Travailler les messages avec des acteurs engagés. La vidéo est un medium très puissant faisant évoluer les imaginaires, permettant d’informer, de communiquer. Leur méthodologie pour tenter de limiter l’impact climatique : définir de nouvelles approches sur la phase de post-production, notamment.
Et la diversité dans tout ça ?
“Nous croyons beaucoup à toute forme d’inclusion et à la diversité.” s’enthousiasme Marialya Bestougeff avant de préciser que l’innovation est d’autant plus riche qu’elle est portée “par des équipes plurielles, venant de milieux et d’environnements différents”. Ainsi une attention particulière est accordée à la mixité des compétences mais aussi des personnalités et au développement de l’entrepreneuriat féminin.
Côté accessibilité, le sujet est embrassé. FALC en scène, bien que sur un modèle associatif et non entrepreneurial stricto sensu, est accompagné par 104factory. Cette ouverture vers d’autres types de structures permet aussi d’élargir le champ des possibles tout autant que celui des publics touchés. La création est au cœur de l’action du CENTQUATRE et il en faut pour la rendre accessible au plus grand nombre. La présence de FALC en scène dont les porteurs du projet sont des personnes concernées par le handicap ou d’autres organisations de ce genre est sans doute une opportunité pour tous les entrepreneurs de s’auto-interroger et savoir où ils en sont, eux-mêmes, sur l’accessibilité dans leur projet.

104factory, plus qu’un accompagnement, un maillage territorial voire international
Au fur et à mesure des années, les liens s’enrichissent avec d’autres incubateurs culturels du territoire national. Les grands rendez-vous autour de l’innovation sont des occasions supplémentaires de partager idées et bonnes pratiques pour ces professionnels de l’accompagnement et du développement de projets. Lorsque l’on pense innovation, l’association avec la technologie se fait aisément, les institutions créatives et culturelles doivent être rendues plus visibles et les acteurs du secteurs avec elles.
La mobilité est par conséquent un facteur clé. Des partenariats existent déjà, d’autres se créent avec le Québec mais aussi la Tunisie, l’Allemagne ou encore la Belgique. Les expéditions créatives sont lancées !
Appel à candidatures : 104factory recrute ses prochaines équipes ! Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 10 mars 2025. Vous pourrez retrouver toutes les informations pratiques sur le site 104factory.
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