On connaît le CENTQUATRE-PARIS, institution du nord de la capitale accueillant une programmation annuelle multi-culturelle allant des concerts au performance, des ateliers créatifs aux expositions (dernièrement la Grande Expédition, “Tara, l’art et la science pour révéler l’Océan”), jusqu’à son Open Factory (6 et 7 décembre) pour incuber les prochaines startups créatives qui feront l’art de demain. On connaît un peu moins ses actions en politique culturelle, des résidences (+300 à l’année) à un accompagnement en ingénierie culturelle hors-les-murs au niveau national et international.
Découverte de leur nouvelle collaboration sur la Villa Formose, entre la France et Taïwan, avec Julie Sanerot, directrice de la production et adjointe à la programmation, et Martin Colomer-Diez, directeur de l’ingénierie culturelle.
Cover: MOI FAUVE au CENTQUATRE-PARIS, décembre 2023, 📸 Quentin Chevrier
Julie Sanerot – Je travaille étroitement avec notre directeur José-Manuel Gonçalvès sur l’ensemble de la programmation artistique du CENTQUATRE-PARIS. Il est essentiel pour nous que les personnes qui s’occupent de la programmation puissent aussi être présentes au moment de la production des projets. L’artistique chez nous va des festivals et concerts aux grandes expositions, jusqu’aux résidences. Depuis quelques années, nous avons aussi des temps forts qui résonnent à l’international comme Séquence Danse Paris, Impatience sur l’émergence théâtrale ou la Biennale Némo pour la création numérique. Je suis aussi amené à partager notre expertise vers l’extérieur.
Martin Colomer-Diez – Je dirige le département de l’ingénierie culturelle au sein du CENTQUATRE-PARIS, et plus spécifiquement de la direction de l’ingénierie et de l’innovation. Nous travaillons sur des projets de 3 catégories : conception et production de projets artistiques et culturels hors-les-murs, dans des contextes urbains et pluridisciplinaires (par exemple des expositions pour des architectes, sur les chantiers du Grand Paris, organiser des festivals…), un deuxième volet plus proche d’une agence de conseil pour amener une méthodologie auprès de sociétés ou d’institutions qui imaginent la ville et les territoires (ou pour créer des lieux, les transformer…) sur l’expertise du CENTQUATRE-PARIS, et enfin une troisième branche une activité autour des appels à projets artistiques pour accompagner les établissements qui souhaitent en lancer. Sur ce dernier point, c’est notre capacité pluridisciplinaire qui fait notre force, mais aussi un regard sur l’émergence de nouvelles pratiques ou talents – tels qu’on peut les retrouver dans notre 104factory.

Développer les ICC à l’international : l’exemple de la Villa Formose, entre la France et Taïwan
CENTQUATRE-PARIS, acteur majeur de la Villa Formose Immersive
J. S. – La Villa Formose nous a été proposé par le Bureau Français de Taipei, pour faire suite aux premières éditions qui avait été accompagnées par le Forum des Images. Avec nos possibilités en ingénierie culturelle et notre réseau, il y a une logique forte à collaborer sur ce type de résidence internationale. Et le faire collectivement, sur des compétences différentes, c’est une partie de notre ADN au CENTQUATRE-PARIS. Chez nous, les résidences sont souvent moins visibles de l’extérieur, mais elles alimentent toutes les activités du lieu. Certains artistes en résidence trouvent des collaborateurs dans nos entreprises incubées. Plus encore, 70% de notre programmation grand public reposent sur des artistes ou collectifs qui ont été à un moment en résidence chez nous !
J. S. – Pouvoir participer à la Villa Formose, c’était aussi pour nous l’accueil d’artistes taïwanais et les incorporer à notre réseau, leur faire rencontrer l’écosystème autour du CENTQUATRE-PARIS : partenaires artistiques, entrepreneurs de leur secteur ou événements comme la Biennale Némo. Nous avons pu intervenir, avec nos partenaires Taïwanais, sur la mise en place de la résidence, la sélection des jurys, la réflexion des modèles économiques… Et nous avions des regards complémentaires, ce qui a facilité les choses.

M. C.-D. – Nous avions déjà une expérience avec Taïwan sur un accompagnement du C-LAB Taïpei qui visait à transformer une ancienne base militaire en lieu culturel, avec l’IRCAM notamment. Rejoindre la Villa Formose, c’est aussi pour nous développer une relation internationale vraiment cofinancé par ces deux territoires culturels avec des financements du CNC puis de TAICCA. On reste proche du Forum des Images, et de l’ensemble des acteurs clés des deux industries créatives. Nous avons eu la chance de pouvoir aller au Kaohsiung Film Festival en 2023 puis en 2024 avec des équipes françaises pour consolider nos discussions. Et nous suivons de près le développement de la Villa Formose au global, qui réunit des arts et disciplines qui font évidemment écho au travail du CENTQUATRE-PARIS – et sur un territoire où les pratiques artistiques sont particulièrement diverses et riches. Nous apprenons beaucoup des résidents déjà passés par la Villa Formose, et la rencontre avec les équipes taïwanaises (notamment sur le rôle de l’auteur dans les projets, la discussion avec les coproducteurs ou équipes techniques sur place…).
J. S. – Spectacle vivant, art visuel, immersif… Il faut conserver des regards décloisonnés sur l’ensemble des disciplines artistiques, et l’ouverture de ces résidences (Formose, Kujoyama…) à des artistes qui, parfois, n’ont pas le réflexe d’y candidater ou de s’informer sur les accompagnements existants.
CENTQUATRE-PARIS, 300 résidences par an (et un peu plus)
J. S. – Quand on parle de résidence au CENTQUATRE-PARIS, on ne peut pas avoir un seul chemin. Cela peut aller de quelques jours pour un musicien à plusieurs mois pour un artiste visuel. Il faut intégrer les rythmes de chaque discipline, comprendre à quel moment de création nous pouvons les accueillir. Cela va d’un simple bureau à un espace de 500 m2 pour créer un spectacle, faire des répétitions. Certains artistes sont très autonomes, d’autres sont artistes-associés avec nous, et nous entrons en coproduction pour les accompagner en tournée (104ontheroad – lien). Et il y a la 104factory pour incuber certaines équipes artistiques, comme Novaya par exemple qui y a créé NOIRE.

J. S. – Sur l’accompagnement de certains artistes, l’exemple récent serait notre travail avec la chorégraphe Leïla Ka. Nous l’avons suivi en tournée avec des premiers spectacles à taille raisonnable, pour ensuite envisager un spectacle plus ambitieux. Nous faisons très attention à bien paramétrer nos actions, surtout quand il s’agit d’emmener des artistes sur les routes. Dans le même sens, notre Laboratoire des cultures urbaines est venu de l’idée d’accueillir des artistes à l’heure. Certains n’ont pas forcément le temps de bloquer plusieurs jours ou semaines. Et ils ont besoin d’accompagnement plus spécifiques sur l’administration ou le juridique.
Découvrir les artistes en résidence cette saison
L’ingénierie culturelle, une démarche culturelle globale vers les territoires
J. S. – Nous avons une vraie sensibilité à l’espace public, dans nos murs ou en dehors. Comment montrer des projets artistiques à l’extérieur ?
M. C.-D. – Avec 104ingénierie, nous intervenons avec une approche pluridisciplinaire et multiscalaire, une approche basée sur une méthode d’urbanisme culturel et qui prend en compte des paramètres multiples afin d’analyser un fait urbain, territorial. Aux questions posées par les projets, nous opérons un vrai diagnostic pour bien comprendre le contexte, et établir une vision à 360 sur les problématiques identifiées avec une vision spatiale et temporelle, des chronotopies. Nous travaillons avec des sociologues, géographes, architectes, urbanistes, artistes pour établir des méthodologies dédiées et permettre de valoriser l’art et la culture comme vecteur de transformation ou de valorisation d’un territoire.

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