Le dynamisme lié au numérique dans le sud de la France n’est plus à démontrer. Terre d’accueil d’artistes et d’événements, la région Sud (simplement renommée) est une des principales vitrines pour l’art numérique et immersif en France, et le Grenier à Sel à Avignon un des lieux principaux de discussion et de présentation des œuvres. Outre la présentation d’expériences en marge du festival d’Avignon (donc), le Grenier à Sel accueille résidences, conférences et expositions tout au long de l’année. Retour sur une activité qui existe depuis plus de six ans, avec sa directrice Véronique Baton.

Proposer une réflexion sociétale avec la création numérique
Véronique Baton – Le Grenier à Sel a ouvert en 2018, à l’initiative d’un fond de dotation philanthropique dans le domaine de la culture (EDIS, fondé par Régis Roquette). EDIS a également accompagné le festival CHRONIQUES ou la Fondation Vasarely en région Sud. Les actions du Grenier à Sel sont axées vers l’art numérique, et la rencontre avec le plus large public possible. Et quand on parle d’art numérique, c’est avec une idée élargie de ce que cela implique – et avoir une réflexion sociétale dans notre approche, qui dépasse le simple de la musique électronique qui en était initialement le courant majoritaire. Comment la création artistique travaille t-elle avec les technologies et les sciences ? Qu’est-ce qu’elle raconte à travers ses nouveaux objets de narration ? Pourquoi les artistes vont se spécialiser, travailler avec des développeurs ou avoir la double compétence auteur-codeur ?

V. B. – Le point d’ancrage reste l’artistique, mais les explorations du Grenier à Sel sont multiples. On invite les artistes à venir travailler toutes les technologies, numériques et autres, et à les interroger. Quel que soit le domaine abordé : arts visuels, arts vivants, musique… Le Grenier à Sel suit l’hybridation des pratiques, des formats, et offre avant tout son espace pour accueillir les œuvres et les artistes. Tous ces mélanges artistiques et technologiques interrogent notre regard sur la société, avec des visions contemporaines fascinantes qui offrent un peu de recul sur notre quotidien. C’est l’idée de notre cycle de rencontres Mutalab (lien) qui invite les dernières innovations (l’IA..) et artistes à discuter ensemble.
Organiser une programmation autour de contenus hybrides
V. B. – Concrètement, nous programmons des expositions collectives autour de grandes thématiques. L’an dernier, nous avons par exemple initié une discussion sur le vivant en développant un triptyque autour du végétal, de l’humain et de l’animal. Un programme que nous avons pris le temps de poser et d’accueillir avec des projets très visuels, très matériels, très incarnés. Côté spectacle vivant, notamment autour du festival d’Avignon chaque été, nous présentons des spectacles hybrides, interactifs ou immersifs. Nous accompagnons aussi des actions dans ce domaine tout au long de l’année, avec des spectacles pour enfants (avec le festival Festo Pitcho ou Totem, une scène conventionnée Art, Enfance, Jeunesse). Nous accueillons aussi des rencontres et des débats, comme spectacle vivant, scènes numériques chaque début juillet – et cette année en partenariat avec l’Université d’Avignon. La Villa Créative est une nouvelle initiative de l’Université d’Avignon d’implanter un nouveau campus consacré aux écosystèmes des industries créatives et culturelles. Il ouvrira en 2025.

V. B. – Nous tissons enfin un lien fort avec les artistes avec des possibilités de résidences, pour Julie Desmet-Weaver avec L’ÉCUME DES JOURS VR par exemple, ou THE ROAMING de Mathieu Pradat. L’idée ici est de pouvoir leur donner du temps et des moyens pour développer leur projet. L’idée de collaboration est vraiment au cœur de notre démarche, et imprime beaucoup de projets que nous avons actuellement – même si nous ne produisons rien directement. Nous avons un projet en cours avec l’Orchestre national Avignon-Provence (ONAP) et Les Clés de l’écoute, précédemment nous avons accueilli un projet autour de Berlioz qui mélangeait concert et réalité mixte.
Une région Sud particulièrement dynamique
V. B. – C’est exaltant de voir le dynamisme de la région en termes d’accueil de l’art numérique. Il y a évidemment eu la Friche la Belle de Mai à Marseille qui a été un premier incubateur pour des acteurs historiques du secteur : Zinc, Seconde Nature, CHRONIQUES, Dark Euphoria… Et ensuite la région, institutionnellement et politiquement, a été à l’écoute de la création numérique. Géographiquement, nous avons vu émerger des initiatives comme Octobre Numérique, SVSN… La filière a besoin de cette articulation qu’offrent nos différents événements, portés par des producteurs en région, avec une vraie convivialité et à échelle humaine. Les échanges y sont passionnants !

V. B. – L’intérêt pour la XR ne faiblit pas, mais il faut se poser la question de l’accueil de ces œuvres immersives portées par la technologie. L’attrait des festivals pour cette partie de création, l’implication d’artistes comme Jeanne Susplugas par exemple, renvoie à l’idée d’une hybridation totale des pratiques. On a désormais des propositions visuelles et narratives inédites, qui renforcent l’idée d’un nouveau courant artistique fort. Et qui donne la sensation que nous n’en sommes qu’au début de quelque chose… Le spectacle vivant s’en inspire désormais, avec des spectacles qui tournent déjà. J’espère que le théâtre classique, en tant qu’industrie, s’en emparera un peu plus. Il faut cultiver une forme de porosité entre les formes de création : les publics sont prêts pour cela. Y compris le jeune public !
https://legrenierasel-avignon.fr
Exposition : Le Futur Est Déjà Là – Symptômes Du Vivant #2
Second volet de la trilogie «Symptômes du vivant», cette exposition interroge la relation entretenue par l’homme avec la machine, autrefois mécanique ou électronique et aujourd’hui algorithmique, dans un contexte de déploiement croissant des intelligences artificielles et de grande porosité des frontières, fantasmée ou réelle, entre l’humanité et la robotique, entre la chair et le code.
- Donatien AUBERT
- France CADET
- Thierry COHEN
- Heather DEWEY-HAGBORG
- Bastien FAUDON
- Mathieu GAFSOU
- Esmeralda KOSMATOPOULOS
- Maxime MATTHYS
- Julien PRÉVIEUX
- STELARC
- VARVARA & MAR
- Filipe VILAS-BOAS
- LU YANG

Après un premier volet consacré au végétal, cette nouvelle exposition explore l’interaction homme-machine. Comment les artistes questionnent-ils la relation aux interfaces qui régulent nos existences à l’heure d’internet, des réseaux sociaux, des IA génératives et du Métavers ? Qu’ils la considèrent comme libératrice ou asservissante, capable d’étendre nos possibilités d’action ou au contraire menaçante pour le créateur, voire pour l’espèce humaine, elle n’en finit pas de renvoyer en miroir les craintes et les espérances de notre époque.
A travers un parcours émaillé d’œuvres, d’objets et de films, l’exposition réunit 15 artistes d’horizons différents et autant de productions artistiques relevant de pratiques variées (installation interactive, automate, vidéo, photographie, robotique, animation, VR… ). Tour à tour allégoriques, critiques, poétiques ou tout simplement ludiques, ces œuvres interrogent l’identité propre de l’homme, sa corporéité et son devenir, de l’obsolescence au transhumanisme. Elles invitent à se perdre là où la science et l’imaginaire se mêlent intimement.
5 octobre – 31 décembre 2024 (Entrée libre)
2 rue du Rempart Saint-Lazare 84000 Avignon
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