Pour son retour aux fêtes de Noël et comme événement phare de la fin d’année, après deux éditions à l’automne, Stereopsia à Bruxelles innovait avec l’ouverture d’un nouveau marché dédié à toutes les nouvelles formes de création immersive – toutes industries confondues. L’EMIC (pour European Market for Immersive Creativity) tend à créer des ponts entre tous les talents du secteur, sur des projets qui peuvent concerner la culture, le patrimoine, les industries, la santé… Rencontre avec le français Pascal Diot, directeur ce nouveau marché, mais aussi fondateur et responsable de plusieurs événements mondiaux pour les professionnels des industries audiovisuelles : le Venice Production Bridge, du Tokyo Gap Financing Market ou encore de l’European CoProduction Forum.
L’EMIC, un nouveau marché immersif multi sectoriel
Pascal Diot – EMIC est un projet de Stereopsia, initié par Alexandra Gerard, et qui a obtenu le financement de l’Union Européenne (Creative Europe Programme / Markets & Networking). C’est à ce moment-là que j’ai rejoint le projet pour coordonner le marché. Il y a un intérêt clair avec EMIC de dépasser les contenus immersifs classiques. Il y a des passerelles, des synergies avec le monde des technologies, le monde scientifique, etc. Si notre première édition accueillait de producteurs de contenus, à termes EMIC se veut plus large que cela. En 2024 j’ai apporté des musées, des lieux culturels, des collectivités territoriales ou locales pour les mettre en relation avec ceux qui font les contenus.
Et les rencontres sont nécessaires. L’immersif fait de plus en plus partie de notre quotidien. Il y a une plus-value à proposer de l’innovation avec la XR, cela apporte un public supplémentaire, du tourisme supplémentaire. Dans le domaine médical, l’architecture, la formation, etc. La création immersive touche tous les domaines de la vie. Et c’est là, à mon avis, des débouchés réels. Pour les institutions européennes, c’est l’une des directions majeures à prendre pour les prochains programmes de financement. Avec une intention multi domaines, multi sectorielle bien évidemment. Il faut donc trouver de nouvelles façons, sur les marchés, de présenter tout cela.

Le but de l’EMIC, c’est faire découvrir la création immersive à des acteurs qui n’ont pas l’habitude d’explorer ces nouveaux territoires. Et donc, à côté de rendez-vous individuels, d’avoir des moments d’échange, des panels, des présentations de projets plus importants pour la seconde édition. Nous accueillons au sein du marché le Booster, l’emblématique programme de Stereopsia d’accompagnement de projets en développement, pour mieux mettre en avant les 11 projets qui le constituaient en 2024. Ils ont ainsi pu rencontrer des producteurs, des vendeurs, des financiers, etc.
Avec la télévision et les diffuseurs, hormis la RTBF, c’est plus complexe de les intéresser. Mais les rendez-vous à Stereopsia les incitent à s’intéresser à la filière culturelle XR. Il faut encourager les nouveaux entrants, ouvrir un écosystème un peu fermé tout en restant pour l’instant sur du B2B. Les questions sur la production et la coproduction d’œuvres immersives reviennent régulièrement. Il y a encore beaucoup de mystères sur la façon dont ses productions voient le jour, où elles vont, qui collaborent dessus. Il faut encourager les relations internationales, le développement de propriétés intellectuelles qui dynamisent le médium.
Le Venice Production Bridge, un marché en croissance
Sur Venice, le Production Bridge accompagne forcément la partie compétitive (Venice Immersive pour la XR), avec une forte attraction autour des contenus. Et la demande autour des panels et des stands, notamment sur l’île immersive, augmente de la part des pays ! Ils veulent mettre en avant leur financement, leurs capacités à accueillir des productions. Il faut pouvoir répondre à ces demandes, mais c’est extrêmement rassurant – notamment en dehors des pays déjà identifiés de la filière.
Il faut aussi favoriser la porosité entre les industries, et ne pas éloigner les nouvelles écritures du cinéma. A Venise, j’invite par exemple des éditeurs littéraires pour favoriser des projets d’adaptation sur grand écran. Et je fais une passerelle avec les producteurs de l’immersif, évidemment, pour qu’ils puissent découvrir des présentations (sur l’île) de livres intéressants pour la XR. Ensuite, sur le Venice Gap-Financing Market, les longs-métrages et les expériences XR sont au même niveau. On essaie d’orienter les professionnels sur les deux formats. Certains produisent déjà les deux (Sacrebleu productions, GEDEON…). Pour ceux qui découvrent la XR, c’est parfois une sacrée surprise ! Chaque année au VPB, il y a l’idée de pays invités (1 européen et 1 international) comme un de nos axes de programmation. Il est possible qu’on augmente le nombre de pays invités au regard des demandes reçues. Des pays avec une activité immersive, bien entendu, toujours dans cette idée de lier l’ensemble des activités sur place. Et nous allons aussi augmenter le marché d’une journée supplémentaire, pour nous donner plus de possibilités sur le programme.
Dans cette envie de rapprocher les industries audiovisuelles, je reste toutefois sceptique sur les ambitions de formats connexes, comme les longs métrages immersifs. Le format long en XR marche peu. Il y a des projets, souvent de cinéastes par ailleurs, mais qui n’ont pas encore trouvé la bonne formule. Et puis la limitation technique reste un frein. Nous attendons encore les prochains devices plus simples à utiliser.
La place de la XR en Europe
L’immersif, la XR, est un sujet important au niveau européen. Et augmenter sa présence à Bruxelles, avec Stereopsia, fait aussi sens pour réunir les gens intéressés par les domaines concernés. L’Irlande et le Portugal étaient déjà bien présents, comme pays émergents, sur l’édition 2024. La Grèce aussi. Avec des écosystèmes récents, en construction, il y a sur le pourtour de l’Europe des choses passionnantes – notamment au Maroc. Il faut néanmoins être conscient que le potentiel aujourd’hui se situe surtout côté industriel, toute verticale confondue, et pas sur la culture ou l’audiovisuel qui restent souvent la face visible de ces créations hybrides et émergentes.

L’EMIC arrive à un moment où la maturité des œuvres immersives grandit énormément. Mais il manque la structuration. Et le problème principal reste celui de l’exploitation et de la distribution. Il y a un accompagnement à faire auprès des créateurs pour mieux comprendre comment les (extraordinaires !) expériences peuvent circuler, être transportables, démontables… Ces contraintes peuvent aider à la création, ce n’est pas en opposition. Les lieux, qui ont déjà l’habitude de ces questions logistiques, le demandent. Il faut se rendre compte qu’à l’international, aux Etats-Unis, en Chine notamment, la XR existe principalement dans des centres commerciaux. Les modèles sont bien plus liés à des modèles de rentabilité préexistants qui ne sont pas que culturels. Le potentiel est définitivement là.
On voit la différence entre la maturité de la création européenne, et le reste du monde. C’est la clé du succès récent de beaucoup de productions. Evidemment, certaines zones sont en retard, notamment en Afrique. Et c’est le rôle de l’EMIC d’interroger cela, d’inviter des entreprises ou des pays hors Europe à nous rejoindre. On veut initier des collaborations à l’international à partir du savoir-faire des talents européens.
Il ne faut pas tomber dans les problématiques qu’on a eues avec les marchés du cinéma et autres, avec une multiplication des marchés professionnels. Il faut beaucoup plus de coopération entre les événements, pour ne pas trop multiplier les rendez-vous dans le planning annuel. Travailler les spécificités pour ceux et celles qui veulent se lancer, et avoir un moment de rencontre en commun dans l’année. Stereopsia en fin d’année, c’est assez idéal aussi.
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